Sommaire
- Introduction
- Sources
- Première partie
- De Laval à Paris, rétablir l’ordre du patron (XVᵉ siècle-1623)
- Chapitre premier
- Les racines d’une carrière : la famille (XIVᵉ siècle-années 1610)
- Chapitre II
- Laval, Paris, Rennes, des débuts dans l’ombre du pater familias et des oncles
- Chapitre III
- 1621-1623, de Rennes à Paris, le tournant d’une vie
- Deuxième partie
- Au service du Cardinal, établir un nouvel ordre (1623-1626)
- Chapitre premier
- Des La Trémoille à l’homme rouge, la construction d’un membre de l’élite parisienne
- Chapitre II
- Le ministre, le maître des requêtes et la province : aux racines de l’intendance, 1628-1631
- Chapitre III
- Misère du juge, grandeur du courtisan : aux limites de l’obéissance, 1631-1636
- Troisième partie
- Lutter par les mots, défendre l’ordre du roi
- Chapitre premier
- La stratégie pamphlétaire de Paul
- Chapitre II
- Les écrits de Chastelet dans la narration du ministériat
- Conclusion
- Pièces justificatives
- Annexes
Introduction
L’objet de cette étude est Paul Hay du Chastelet, conseiller, agent politique et pamphlétaire du cardinal de Richelieu. Cette thèse est née de la volonté d’associer deux approches, celle de l’histoire des idées et celle de l’histoire d’une pratique du politique. Le personnage de Paul, par le peu d’études qu’il a suscitées, permettait cette double approche. Un autre aspect est apparu important, concernant le positionnement original du personnage, dans un rôle intermédiaire. Ni vraiment dominé par le pouvoir, ni vraiment dominant, Hay occupe une place particulièrement complexe. Exerçant le pouvoir du ministériat, il ne le possède pourtant jamais complètement et ne se l’approprie pas.
Parce qu’à l’époque moderne la pensée d’un homme comme son action ne sont pas distinguables de la lignée, il convenait tout d’abord de comprendre socialement notre personnage. Sa famille, ses alliances, son territoire d’origine sont autant de cadres à retrouver pour ne pas voir Paul seulement au travers de son action et de ses écrits mais aussi par les yeux de ceux qui l’entourent. C’est ainsi l’homme personnel, trop longtemps dissimulé derrière le topos de la créature, qu’il faut chercher. Une fois posé le contexte dans lequel a évolué Paul Hay, il est ensuite possible de se consacrer à son action en tant qu’agent politique.
L’action politique de Paul se déploie dans plusieurs espaces et à différents niveaux. D’abord agent politique d’une grande famille de la noblesse, les La Trémoille, il se met ensuite au service de la monarchie par la maîtrise des requêtes, puis du cardinal en devenant son agent. C’est à ce poste que notre homme évolue entre plusieurs lieux et problématiques, comme la Bretagne et l’enjeu des États provinciaux, la Bourgogne et la crise déclenchée par Gaston d’Orléans en 1631, ou encore les cours de justice avec leurs procès politiques. À travers l’action de Paul dans les provinces, ce sont la politique de Richelieu, ses accommodements avec les pouvoirs en place, ses rivaux et ses alliés qui sont mis en lumière. Cette pratique se poursuit ensuite à Paris par la participation de Paul à la fondation de l’Académie française. C’est donc un agent complet, entre politique intérieure et politique de représentation, qui fait l’objet de cette étude.
Ces différents aspects se retrouvent dans ses écrits pamphlétaires, qui recouvrent un large spectre, avec toutes les limites posées par l’exercice. Production d’un groupe d’écrivains politiques plus que d’un homme isolé, le pamphlet permet d’étudier le texte comme espace d’expression d’une pensée mais aussi comme production d’un groupe ordonné, organisé et hiérarchisé. Sur le plan de la théorie politique, il s’agissait en effet de retrouver une expression précise dans ce moment charnière de l’affirmation du système de gouvernement qu’est le ministériat. Quels moyens, quels arrangements par rapport aux publications antérieures du parti de Richelieu, mais aussi quelle vision de la monarchie ces pamphlets révèlent-ils ? Tous ces aspects devaient être étudiés afin de comprendre ces publications. Pas encore communication politique au sens contemporain du terme mais déjà représentation du pouvoir par des mots et des écrits, ces pamphlets constituent ainsi un objet historique représentatif d’un temps et d’une action.
Le plan de cette thèse est à la fois chronologique et thématique. Les deux premières parties se concentrent sur deux périodes de la vie de notre homme : l’émergence et la construction auprès de la famille et des premiers patrons que sont les La Trémoille entre 1592 et 1628, puis le travail au service du cardinal entre 1628 et 1636. La dernière partie se tourne, elle, vers les écrits politiques de Paul Hay, objets historiques complexes à contextualiser, à expliquer mais aussi à déconstruire.
Sources
Les sources de cette étude sont plurielles. Le cœur en est le fonds Hay, aux archives départementales d’Ille-et-Vilaine, un ensemble versé récemment et neuf en termes d’étude, qui a permis de retrouver une large partie des papiers personnels de Paul – ses quittances, ses offices, les lettres de son père – et d’appréhender l’ancrage de sa famille dans l’ouest du pays. D’autres sources proviennent des Archives nationales. L’inventaire après décès, mais aussi la correspondance avec les La Trémoille ont mis en lumière la vie de Paul à Paris. Celle avec le cardinal, conservée aux Archives étrangères, donne à voir les liens multiples entre Paul et son patron. Enfin, le dernier grand fonds est constitué par les pamphlets imprimés de la Bibliothèque nationale, à croiser avec les autres sources pour définir le plus précisément possible la place de Paul dans la rédaction de ces textes.
Première partie
De Laval à Paris, rétablir l’ordre du patron (XVᵉ siècle-1623)
Chapitre premier
Les racines d’une carrière : la famille (XIVᵉ siècle-années 1610)
Une ancienne famille bretonne. — Si Paul se plaît à raconter que sa famille a des origines écossaises, il est en réalité le descendant d’une vieille famille de l’épée bretonne, laquelle remonte jusqu’au XIIIe siècle. La documentation devient néanmoins consistante aux XIVe et XVe siècles seulement. Les Hay y apparaissent comme un clan de la petite noblesse qui se construit par l’achat de terres, le service militaire dans l’ost médiéval mais aussi des alliances de circonstance à la fin du XVe siècle, quand la situation économique devient plus mauvaise. On voit alors émerger un large espace breton, entre Rennes et Laval, un territoire qui reste la base de la puissance familiale jusqu’à Paul. Au XVIe siècle intervient une évolution majeure : les Hay abandonnent l’épée et se mettent au service direct de la famille de Laval comme agents de justice. Les mariages avec les familles locales mais aussi avec une bâtarde des Laval, la conversion au protestantisme puis le retour modéré au catholicisme et enfin la figure du grand-père de Paul, Jean II, conseiller au parlement de Bretagne, opposé à la Ligue, décrivent sur un temps long une famille qui évolue sans renier une assise et un rang d’ancienne noblesse. Daniel Hay du Chastelet (1563-1626), ou la figure du père. — La carrière de Paul n’est compréhensible qu’en étudiant d’abord celle de son père. Agent des Laval, il est un élément de stabilité dans le domaine de cette grande famille noble pendant les guerres de religion. Quand le dernier des Laval meurt, il entre au service de la famille héritière, les La Trémoille, protestants et étrangers à la région. Sa position est améliorée et il devient alors une figure incontournable. De 1610 à sa mort, Daniel est l’agent de proximité d’Henri de La Trémoille mais surtout celui de sa mère, Charlotte Brabantine de Nassau, qui assure l’intendance des domaines de son fils. L’action de Daniel n’est pas seulement locale, et il multiplie les voyages à Paris dans la deuxième moitié des années 1610. C’est ainsi que l’on comprend que Paul, loin d’être un personnage isolé de l’Ouest français, est en réalité le fils d’un homme introduit à la cour de la régente, en contact avec les ministres et en mesure de transmettre à son fils les codes à observer à la cour du roi. Daniel se révèle enfin être un organisateur, un homme qui sait jouer de sa spécificité catholique dans le plus grand clan protestant de France pour obtenir bénéfices et appuis tant pour lui que pour ses deux aînés, Paul et Daniel.
Chapitre II
Laval, Paris, Rennes, des débuts dans l’ombre du pater familias et des oncles
Fratrie et éducation. — La position de robin – membre de la noblesse de robe – implique une formation en droit. Le père innove en choisissant de former ses fils à Paris et non dans l’Ouest. Si Paul répond aux canons du bon robin, son frère Daniel est destiné à la carrière ecclésiastique. Le cadet met son aîné en contact avec la République des Lettres et surtout avec Marin Mersenne, un de ses amis, ce qui permet à Paul de côtoyer les grandes figures savantes de son temps. Simon, le dernier frère, et Jeanne, la sœur, moins favorisés que les deux premiers fils, sont plutôt dédiés à conforter l’ancrage des Hay du Chastelet en Bretagne.
Rennes et le mariage. — Ses études terminées, Paul se tourne vers l’Ouest et y épouse Marguerite de Renouard, riche héritière d’une famille venant d’intégrer la noblesse de robe. Cette alliance apporte de l’argent aux Chastelet, lignée prestigieuse par son appartenance à la vieille noblesse mais toujours limitée par des revenus modestes, ainsi que de nouvelles ouvertures sur le parlement de Bretagne grâce au réseau étendu de la belle-famille. Si le mariage est écourté par la mort en couches de sa femme, Paul a tout de même un héritier de cette première union et en retire une situation sociale nettement consolidée. Véritablement, il s’affirme comme un membre de l’élite de Rennes, ce qui permet de mesurer la réussite des Chastelet, lesquels ont astucieusement affermi une position que l’ordre de naissance du père de Paul ne laissait pas espérer.
Entre clans et réseaux : le parlement de Bretagne. — L’activité de Paul au parlement de Bretagne n’est pas distinguable de son contexte familial. Avec plusieurs oncles au parlement, des alliances anciennes et récentes multiples, notre homme est intégré au grand clan du parlement de Bretagne. Pourtant, il se démarque de la tradition familiale en devenant avocat général en 1618, ce qui lui permet d’appartenir aux gens du roi. Cette position nouvelle, en lien avec le pouvoir central, révèle un parcours original. Paul est ensuite un agent politique des La Trémoille ; il arbitre les situations difficiles auxquelles sont confrontés ces grands seigneurs au parlement de Bretagne.
Chapitre III
1621-1623, de Rennes à Paris, le tournant d’une vie
La mission béarnaise, premier service à la monarchie. — La situation de Paul, simple agent breton, évolue radicalement en 1621. Il part en Navarre participer à l’établissement de l’autorité du roi grâce à la mise en place du parlement de Navarre dans les anciens États personnels d’Henri IV. Par l’usage de la diplomatie mais aussi en écoutant et en apprenant, Paul évolue ; les missions qui lui sont confiées sortent de la sphère strictement bretonne, horizon trop restreint pour lui, et se font dorénavant à l’échelle du royaume.
Les maîtres des requêtes. — Cet élargissement du cadre d’action se confirme dans les années suivantes. En 1622, Paul est à Paris où il travaille à obtenir une place de maître des requêtes. Il y parvient en 1623, malgré le prix important attaché à l’achat de cet office, et entre ainsi dans le cercle des « ambitieux » de la monarchie. Il est maintenant au contact direct des figures du pouvoir central et du roi. L’analyse du profil de Paul au sein de ce groupe social permet aussi de voir son caractère orignal dans une compagnie qui se ferme progressivement à la noblesse de robe qui n’est pas proprement parisienne. Ce passage au cœur de la machine monarchique est une nouveauté complète, dans une famille où les aînés, jusqu’alors, se concentraient plutôt sur la consolidation de l’ancrage breton.
Le second mariage et l’entrée dans la noblesse de robe parisienne. — En 1623, Paul devient véritablement un membre de la robe parisienne par son mariage avec Marguerite Danquechin, membre d’une famille du parlement de Paris. Il devient ainsi apparenté à de nombreux robins de la capitale, montrant que les alliances privées sont parfaitement intégrées à la sphère publique dans cette haute administration de la monarchie. Par ce mariage, il obtient aussi de l’argent, qui l’aide à stabiliser une situation financière précaire après l’achat de sa charge de maître des requêtes, ainsi qu’un hôtel à Paris depuis lequel il déploie ses ambitions.
Deuxième partie
Au service du Cardinal, établir un nouvel ordre (1623-1626)
Chapitre premier
Des La Trémoille à l’homme rouge, la construction d’un membre de l’élite parisienne
Paris, un monde de tous les possibles. — Entre 1623 et 1628, Paul évolue dans le Paris du règne de Louis XIII, ville en rapide évolution. Toujours agent des La Trémoille, qu’il appuie à la maîtrise des requêtes, il s’écarte pourtant de ses maîtres à mesure que la crise se répand dans le réseau des seigneurs de Thouars et que la figure de Richelieu devient progressivement incontournable. Le ralliement au cardinal s’effectue grâce à certaines figures clés, comme Jean Turquant et d’autres maîtres des requêtes que côtoie Paul. L’année 1626 est celle de la mort du père de Paul et d’une rupture définitive avec les La Trémoille.
Éléments de fortune. — La mort du père, qui a été un guide et un allié dans les premières années, permet de faire le point sur la fortune et la situation matérielle de Paul. C’est un homme lourdement endetté, dont l’émergence sociale s’est faite via la contraction de plusieurs emprunts auprès de ses proches fortunés et dont l’office n’assure en rien un enrichissement rapide. Paul a fait le choix du lien avec le pouvoir et non d’une fortune acquise facilement qu’un autre parcours aurait pu lui procurer.
Chapitre II
Le ministre, le maître des requêtes et la province : aux racines de l’intendance, 1628-1631
Dans les pas du père : les négociations financières en Bretagne. — Les premières missions de Paul, devenu agent du cardinal, ont pour cadre cet Ouest qu’il connaît bien. Il prend ainsi toute sa place dans la politique marchande d’un cardinal attiré par le domaine marin et négocie les rentrées d’argent avec les élites locales, mais devient aussi un agent plus personnel de Richelieu, qui lui confie la surveillance du prince de Condé. Une fois la confiance et la faveur de Richelieu gagnées, Paul peut se tourner vers des missions plus importantes.
Paul pontem fecit, ou l’intendance aux armées de Savoie. — L’envoi de Paul dans les armées pendant la guerre de Mantoue est le signe d’un agent en progression. Si la France assume une nouvelle place en Europe, elle n’a pas encore les moyens de ses ambitions. L’analyse des actions de Paul montre notamment les difficultés d’un pays qui ne sait plus faire la guerre, ni même passer les cols, et qui fait reposer sa réussite sur des personnes ayant peu d’expérience dans le domaine militaire. Enfin, la présence de Paul montre que Richelieu s’appuie sur des hommes en qui il a confiance, la direction de l’État ne laissant pas la place au doute.
Bourgogne, les Lanturelus et Bellegarde. — La fin de la campagne de Mantoue voit Paul poursuivre son action en Bourgogne. S’il gère l’hivernage des troupes et les contrecoups de la révolte des Lanturelus, sa mission prend un aspect plus proprement politique avec la crise posée par le départ de Gaston. Cette gestion passe ainsi par l’utilisation des élites bourguignonnes, en une tentative pour renforcer les équilibres des pouvoirs locaux. Dans cette mission, la réussite à court terme a été privilégiée par rapport à une réforme profonde des institutions locales, ce qui pose la question de l’autorité sur ces élites à long terme.
Chapitre III
Misère du juge, grandeur du courtisan : aux limites de l’obéissance, 1631-1636
Le procès impossible. — Après ce passage en Bourgogne, Paul est envoyé à Verdun s’occuper du procès de Louis de Marillac, maréchal de France et vaincu de la journée des Dupes. Si cet épisode est connu, la correspondance entre Paul et Richelieu permet de le traiter sous un jour politique plus que judiciaire. On voit ainsi comment Paul informe son maître, gère les équilibres entre les membres du jury à Verdun puis à Paris et en vient finalement à proposer des noms pour la composition de ce même jury. Les difficultés s’accumulent durant le procès, tant par la pression qu’exerce le public parisien que par la mauvaise image de la monarchie et du cardinal qu’il entraîne. Dans l’incapacité d’obtenir une condamnation rapide et sans polémique, Paul est finalement sacrifié par son maître ; il est exclu du procès et envoyé en forteresse comme prix d’une représentation réélaborée du pouvoir autour de la violence légitime exercée sur le maréchal.
Le « lévrier récompensé ». — Le sacrifice n’est pourtant pas une fin. Après un emprisonnement qui ressemble davantage à une retraite d’écriture qu’à une punition, Paul revient dans le cercle proche du cardinal. Lié aux figures de l’écriture parisienne comme les frères Dupuy, il est également associé à l’un des grands projets du ministériat, l’Académie française. Il participe à l’écriture des statuts mais surtout à la fondation de cette académie comme institution aux ordres du pouvoir et de sa représentation. Cette dernière période marque enfin de nouvelles rentrées d’argent et des retours sur investissements qui permettent à Paul de rembourser plusieurs dettes et d’augmenter son capital.
Dernières missions, décès et postérité. — La position d’écrivain au service du pouvoir et de courtisan du cardinal ne satisfait pas longtemps Chastelet. Il revient finalement à une action politique plus directe durant l’année 1635 et se consacre aux affaires de l’intendance au moment où débute la guerre de Trente Ans. Ce retour à la politique du royaume est court. Paul tombe malade et meurt de fièvre au début de l’année 1636. S’il ne s’est pas beaucoup enrichi, il laisse une situation confortable à ses héritiers. Ceux-ci n’arriveront pas à mener une carrière aussi proche du pouvoir. Agent intermédiaire, Paul a exercé un grand pouvoir mais ne l’a jamais détenu et n’a donc pas pu le transmettre à ses fils qui, bien que membres des élites du royaume, ne sont pas associés au cercle le plus étroit du pouvoir et devront se contenter d’une carrière plus discrète. L’absence de descendance mâle entraînera l’extinction de la lignée des Chastelet à la fin du XVIIe siècle.
Troisième partie
Lutter par les mots, défendre l’ordre du roi
Chapitre premier
La stratégie pamphlétaire de Paul
La sociabilité autour des écrits de Paul. — L’écriture de pamphlets politiques n’est pas au XVIIe siècle une démarche individuelle ; c’est l’affaire d’un groupe, d’un réseau d’écrivains politiques en lien et correspondant entre eux, qui produisent une œuvre commune. Cette démarche collective est organisée par Richelieu, au sommet de l’édifice de papier qui organise la production écrite venant en appui des décisions du pouvoir, les développant et les commentant pour le public parisien. Au sein de ce groupe, la place de Paul n’est pas aisée à définir mais on peut l’appréhender par petites touches sur certains pamphlets et aussi identifier ses principaux collaborateurs, comme Pierre Costard.
Réception des pamphlets : opposition, opinion ou représentation ? — Au XVIIe siècle, les pamphlets représentent le pouvoir. Ils ne participent pas à l’élaboration d’une hypothétique opinion publique. Si la représentation que l’on donne à ce public est un enjeu, la lutte avec les écrivains du parti opposé en est un autre. Les insultes provenant de Bruxelles et touchant Chastelet montrent qu’il est un pamphlétaire bien connu de ses adversaires. Mathieu de Morgues apparaît comme l’adversaire personnel et le double négatif de Chastelet, celui qui le connaît le mieux mais aussi celui qui l’attaque avec le plus de récurrence.
Chapitre II
Les écrits de Chastelet dans la narration du ministériat
Deux œuvres pour deux stratégies de l’écrivain ? — Deux pamphlets sont clairement attribuables à Paul Hay du Chastelet, les Observations sur la condamnation du maréchal de Marillac en 1633 et le Recueil de pièces pour servir à l’histoire en 1635. Dans le premier pamphlet, Paul est lié par les éléments précis qu’il donne sur le déroulement du procès Marillac puisqu’il était l’un des juges ; dans le deuxième, l’œuvre est assumée dans le tout-Paris et jusqu’au couvent de Marin Mersenne. Ces deux pamphlets servent deux objectifs distincts. Dans le premier, Paul est dans la situation d’un juge compromis qui désire par son écrit montrer à son patron qu’il a bien agi. Dans le second cas, c’est un agent du cardinal qui se dévoile presque publiquement et signe une œuvre longue, dont l’ambition est de dépasser le simple texte d’attaque ou de défense.
Les écrits de Chastelet dans le récit du ministériat. — Si quatre années séparent les deux publications, elles montrent néanmoins une ligne argumentative et idéologique assez unifiée. Une figure centrale et solaire, le roi, domine un édifice politique plutôt classique avec un ministre, Richelieu, agent d’une volonté divine. Loin d’une pensée cynique, c’est plutôt une vision classique que l’on voit se déployer dans ces écrits du ministériat. Les affaires et alliances, comme le rôle de l’aristocratie, sont traités franchement et directement ; une première ébauche de biographie du cardinal dans le Recueil témoigne d’un ministériat manifestant dès 1635 son souci d’établir et de contrôler la façon dont il est représenté et perçu.
Conclusion
Cette étude permet ainsi de traiter d’une figure intermédiaire du pouvoir, ni dominée ni dominante. Actif dans des domaines d’action comme de représentation, Paul Hay du Chastelet exerce une activité politique marquée par un zèle quotidien plutôt que par de grands événements et négociations. Cet affairement laborieux mais néanmoins nécessaire, cette mise en place de la représentation montrent la gestion du pouvoir sous un angle quotidien. La position intermédiaire de Paul n’a pas fait sa richesse et, exécutant au service d’un pouvoir qui le dépassait, il ne l’a jamais détenu. Ce statut met en lumière l’échelle des pouvoirs dans la pratique du ministériat. Entre innovations et reprises du système de patronage et de clientèle, la sociabilité politique de Paul permet de voir les évolutions en chemin mais aussi les permanences d’une pratique encore largement tributaire des équilibres sociaux.
Pièces justificatives
Édition de quatre documents : une lettre de Daniel Hay du Chastelet, le père de Paul, à sa patronne Charlotte Brabantine de Nassau ; deux lettres de Paul au cardinal de Richelieu ; un discours prononcé par Chastelet au parlement de Paris pour la victoire des Avins.
Annexes
Deux tableaux sur la situation économique de Paul Hay du Chastelet en 1626 et en 1636, une chronologie du procès Marillac et trois tableaux généalogiques sur la famille Hay, des origines jusqu’aux alliances de Paul Hay du Chastelet.