Sommaire
- Introduction
- Sources
- Première partie
- La « botanique » médiévale, un savoir multiforme
- Chapitre premier
- Regards savants sur le monde végétal : les enjeux d’un corpus
- Chapitre II
- Illustration et mise en page : typologie des ouvrages botaniques médiévaux
- Chapitre III
- Peindre la nature : le naturalisme en question
- Deuxième partie
- L’arbre au sein du monde végétal, les enjeux d’une définition
- Chapitre premier
- L’arbre médiéval, une définition impossible ?
- Chapitre II
- Représenter l’arbre : l’iconographie au service de l’organisation du monde végétal
- Chapitre III
- De l’arbre aux arbres : ordonner les essences
- Troisième partie
- Une forêt de symboles : les apports du discours savant à l’histoire culturelle des arbres
- Chapitre premier
- Du discours savant à la dimension symbolique et morale : quelle place pour le monde végétal ?
- Chapitre II
- Bons et mauvais arbres : la littérature savante, ou le règne de l’ambivalence
- Chapitre III
- Arbres bibliques et symbolique religieuse dans le savoir naturel
- Conclusion
- Annexes
- Catalogue
Introduction
L’histoire du monde végétal au Moyen Âge n’est pas un terrain vierge et de nombreux chercheurs se sont déjà aventurés dans ce domaine : l’histoire de la forêt, des jardins, l’analyse des motifs végétaux dans la sculpture ou dans la peinture sont autant de sujets qui ont inspiré les médiévistes. L’arbre est sans doute le végétal qui a suscité le plus de travaux. Pourtant, la place de l’arbre dans le savoir naturel médiéval demeure un champ d’étude encore peu exploré. Cela tient sans doute au manque d’intérêt dont a longtemps souffert la botanique médiévale. Depuis quelques décennies, les sources de l’histoire naturelle font cependant l’objet d’une attention particulière de la part des médiévistes : encyclopédies, traités de matière médicale ou ouvrages agronomiques nous sont désormais bien connus.
La présente étude s’est appuyée sur ces différentes sources et les confronte afin de s’interroger sur l’identité même de l’arbre, au sens des naturalistes médiévaux. Comment circonscrire une définition stricte de l’arbre ? De quelle manière encyclopédies et herbiers structurent-ils le monde végétal, et plus précisément celui des arbres ? Quelles sont les essences d’arbres traitées par les savants ? Voici quelques-unes des interrogations auxquelles il convenait de répondre. L’un des grands axes de cette étude est l’intérêt croissant que le savoir médiéval accorde à l’arbre, au-delà des seules considérations utilitaires – agronomiques et médicales notamment. Après un retour sur les sources qui fondent la botanique médiévale, il s’agissait de se pencher sur la définition et les caractères constitutifs de l’arbre au sein du monde végétal, tant dans les textes savants que dans l’iconographie des herbiers. Enfin, l’analyse de la dimension symbolique et morale de certains arbres a permis de rendre au savoir botanique toute sa place dans l’histoire culturelle médiévale.
Sources
Ce travail s’est fondé sur des sources tant textuelles qu’iconographiques. Un certain nombre des textes du corpus ont déjà fait l’objet d’éditions critiques – dans le cas contraire, des éditions anciennes ou des versions manuscrites ont été employées –, ainsi, pour le Livre des propriétés des choses de Barthélemy l’Anglais, l’étude s’appuie sur le texte du manuscrit, Bibliothèque nationale de France, français 16993. En ce qui concerne la part iconographique, un ensemble le plus large possible de manuscrits enluminés (encyclopédies et herbiers de matière médicale), conservés dans diverses bibliothèques de France et d’Europe, a été exploité. Les gravures sur bois des premiers herbiers imprimés ont également été sollicitées.
Première partie
La « botanique » médiévale, un savoir multiforme
Chapitre premier
Regards savants sur le monde végétal : les enjeux d’un corpus
L’un des premiers enjeux de cette étude consiste en la délimitation d’un corpus cohérent. Le terme « botanique » est en effet anachronique, puisqu’il ne s’impose pas comme substantif avant le xviie siècle. Il n’est donc pas aisé de circonscrire l’objet d’une science qui ne se définit pas comme telle à l’époque médiévale. Le corpus sur lequel se fonde l’étude s’appuie avant tout sur les grandes sommes encyclopédiques du xiiie siècle (notamment celles de Barthélemy l’Anglais, Thomas de Cantimpré et Vincent de Beauvais), ainsi que sur les herbiers de matière médicale issus de la tradition salernitaine (le Tractatus de herbis et son adaptation en langue vernaculaire, le Livre des simples médecines). Les œuvres d’Hildegarde de Bingen et d’Albert le Grand ainsi que le traité agronomique de Pierre de Crescens ont également été sollicités. Les premiers herbiers imprimés, qui ne marquent guère de rupture avec les ouvrages manuscrits, ne peuvent être mis de côté. Tous ces ouvrages ont en commun de constituer des « herbiers », au sens d’une liste de plantes et de leurs propriétés présentée dans un ordre partiellement alphabétique.
Chapitre II
Illustration et mise en page : typologie des ouvrages botaniques médiévaux
Les textes qui composent le corpus ont fréquemment été illustrés et de nombreux manuscrits enluminés ont été conservés. Les dix-neuf livres de l’encyclopédie de Barthélemy l’Anglais débutent souvent par des enluminures frontispice. Le livre XVII, qui traite des végétaux dans leur ensemble, est généralement illustré par la représentation d’un verger ou d’une forêt : l’arbre est bien plus présent que les plantes herbacées, ce qui en dit long sur son caractère représentatif. Les essences ne sont cependant guère individualisées. Bien plus rares sont les manuscrits dont les illustrations se présentent sous la forme de petites vignettes illustrant chaque chapitre : c’est le cas des manuscrits Valenciennes, Bm, ms. 320 et Paris, Bnf, fr. 22532. Les enluminures de ce dernier présentent une certaine similitude avec la tradition iconographique du Livre des simples médecines. Dans les herbiers de matière médicale et les Tacuina sanitatis enluminés, chaque simple fait en effet l’objet d’une miniature, ce qui permet de dresser de véritables dossiers iconographiques autour de certaines essences d’arbres. Si la plante est la plupart du temps représentée seule, certains arbres, comme l’arbre à baume, s’inscrivent presque systématiquement dans une scène de genre, que ce soit dans les herbiers ou dans les encyclopédies.
L’herbier est un manuscrit spécifique : il convenait à ce titre de s’arrêter plus longuement sur sa mise en page. De même, il est impossible d’étudier l’illustration des herbiers sans faire un bref retour sur leur tradition iconographique et les différents groupements de manuscrits que l'on peut distinguer.
La question de l’usage fait de ces ouvrages est également primordiale. Les herbiers comme les encyclopédies enluminées ont le plus souvent été présentés comme des manuscrits de luxe et d’apparat. Les cas de figure varient cependant beaucoup d’un manuscrit à l’autre, notamment pour les herbiers. Si certains manuscrits relèvent clairement d’une production somptuaire, une analyse codicologique détaillée de certaines œuvres met en évidence des marques d’usage riches d’enseignement. Trois manuscrits font l’objet d’un développement approfondi : il s’agit de deux Livre des simples médecines (Lille, Bm, ms. 356 et Paris, Bnf, Arsenal 2888), ainsi que d’un herbier conservé à la Wellcome Library à Londres (ms. 335). De même, certains des premiers herbiers imprimés s’apparentent à une production de luxe, tandis que d’autres se distinguent par de nombreuses notes marginales qui nous révèlent les usages des possesseurs.
Chapitre III
Peindre la nature : le naturalisme en question
L’illustration des herbiers est un objet de réflexion, tant pour les botanistes eux-mêmes que pour les historiens qui se sont penchés sur le sujet. Les historiens de l’art ont souvent privilégié certains manuscrits du xve siècle qui seraient représentatifs de l’avènement de l’illustration naturaliste en botanique. Il est cependant nécessaire de manier le terme « naturalisme » avec prudence, à propos de l’iconographie des herbiers. Un rapide bilan historiographique a permis de mettre à jour l’existence d’une véritable dichotomie entre illustrations « réalistes » et représentations « conventionnelles ». Il est cependant possible de renverser les perspectives, si l’on considère que le naturalisme de certains herbiers relève lui aussi d’une convention, propre à l’art de la fin du Moyen Âge. Il s’est agi de démontrer que naturalisme et convention se placent sur des plans tout à fait différents. Ces deux types d’images ne s’opposent pas forcément, puisqu’ils coexistent au cours de la période et au sein de mêmes manuscrits. Il ne faut cependant pas les considérer l’un comme un progrès par rapport à l’autre. Tant les représentations « naturalistes » que les illustrations plus schématiques devaient pouvoir permettre d’identifier la plante figurée. Les représentations dites conventionnelles étaient sans doute les plus diffusées au cours de la période : elles ont donc une valeur immense pour l’étude du savoir médiéval sur le végétal.
L’arbre constitue en outre un enjeu particulier pour les enlumineurs. Il apparaît d’emblée que les végétaux de petite taille font plus souvent l’objet de représentations « naturalistes ». Représenter un arbre dans son ensemble induit en effet une difficulté pour l’illustrateur : que privilégier entre la silhouette globale de l’arbre et le détail de ses attributs – fleurs, fruits, feuilles ? La raison d’être de l’illustration botanique est de permettre l’identification des essences représentées : contrairement aux plantes herbacées, les arbres des herbiers sont donc bien souvent disproportionnés, afin de mettre en avant les attributs qui font leur identité.
Deuxième partie
L’arbre au sein du monde végétal, les enjeux d’une définition
Chapitre premier
L’arbre médiéval, une définition impossible ?
Définir l’arbre médiéval, au sens savant du terme, a été l’un des enjeux de cette étude. Il serait en effet anachronique de s’en remettre à l’acception moderne de l’arbre dans le cadre d’un travail sur le savoir botanique médiéval : certaines plantes que le Moyen Âge classait dans le règne des arbres sont considérées différemment aujourd’hui. L’étude a mis en avant la richesse de la réflexion menée par les savants sur les catégories du monde végétal. L’arbre est avant tout le végétal qui s’oppose à l’herbe : il s’agit là des deux grandes catégories du savoir botanique. Le substantif « plante » est bien souvent utilisé pour désigner les végétaux herbacés, qui s’opposent aux arbres. L’introduction de la pensée aristotélicienne au xiiie siècle marque une évolution, et le terme « plante » est de plus en plus employé pour désigner l’ensemble des végétaux.
L’arbre se distingue des autres végétaux par certains critères morphologiques : haute taille, présence d’un tronc ligneux, d’une large ramure, de racines bien ancrées dans le sol, etc. Mais la définition d’un arbre archétypal se heurte à la grande variété des essences et de la nomenclature. Le monde des arbres se subdivise en effet entre les arbres proprement dits (arbor), les arbustes (arbustum) et les arbrisseaux (frutex) : le Moyen Âge connaît plusieurs degrés d’organisation de la flore. Or cette nomenclature subit de nombreuses variations d’un texte à l’autre. Près d’un quart des essences recensées fait l’objet d’une nomenclature changeante : ces plantes sont tantôt qualifiées d’arbor, tantôt de frutex, d’arbustum ou arbuscula, voire d’herba – c’est le cas par exemple du roseau, du myrte, du giroflier ou encore de la vigne. Ces plantes au statut variable rendent plus complexe la définition médiévale de l’arbre, mais sont souvent d’un très grand intérêt. Ces hésitations terminologiques démontrent en effet que les catégories du monde végétal et l’ordonnancement des essences sont au cœur de la réflexion menée par les naturalistes médiévaux. En outre, les traductions vernaculaires des ouvrages latins illustrent la constitution d’un vocabulaire botanique en langue vulgaire : il n’est d’ailleurs pas rare que le traducteur agisse avec une certaine liberté à l’égard du texte latin.
Enfin, l’arbre est par nature un végétal souverain. Il se distingue du reste des plantes par son caractère parfait : les arbres sont au sommet de la hiérarchie qui ordonne la flore. L’arbre est une image de l’homme et il n’est pas rare que les savants parlent des veines, du ventre, des entrailles ou du cœur de l’arbre. Ces caractères anthropomorphes sont un facteur supplémentaire de distinction entre l’arbre et le reste du règne végétal.
Chapitre II
Représenter l’arbre : l’iconographie au service de l’organisation du monde végétal
L’illustration botanique participe de l’ordonnancement du monde végétal, en employant des voies qui lui sont propres. Dans un certain nombre de manuscrits, tous les végétaux sont représentés sur le même modèle avec des proportions identiques : arbres et herbes ne sont pas clairement distingués. Dans d’autres cas, l’iconographie tend à séparer ces ceux mondes par l’usage des couleurs ou le jeu des proportions. Il est également possible de circonscrire un groupe de manuscrits qui mettent en œuvre des procédés plus systématiques pour distinguer les arbres du reste du monde végétal. Dans ces manuscrits, les arbres sont en effet représentés plantés en terre, contrairement aux plantes herbacées dont la racine est toujours figurée. Ces arbres « en terrasse » se différencient bien des herbes fragiles, tout juste arrachées de terre.
Certaines essences permettent de rendre bien compte des enjeux propres aux images des herbiers. L’agnus castus, l’herbe savine et le rosier ont en commun d’être de ces plantes dont la définition varie d’un ouvrage à l’autre : ils sont tantôt qualifiés d’arbres, tantôt d’arbrisseaux, voire d’herbes. Ces hésitations de la nomenclature se répercutent dans l’iconographie. L’agnus castus peut ainsi être représenté de manières bien différentes dans des manuscrits qui appartiennent pourtant à la même tradition iconographique.
Si l’iconographie tend à définir des critères permettant d’identifier l’arbre, son objet principal demeure la distinction des essences entre elles. La forme des feuilles est l’un des premiers critères distinctifs à relever. Le fruit demeure cependant l’attribut-roi de l’arbre, son signe distinctif suprême. La forme de certains fruits relève d’un modèle canonique et varie très peu d’un manuscrit à l’autre, que les illustrations appartiennent au type réaliste ou conventionnel. Les fruits sont souvent représentés de manière disproportionnée, a fortiori quand il s’agit de fruits comestibles ou très utilisés dans la pharmacopée. Ce procédé ne se cantonne pas à la période médiévale, mais perdure dans les herbiers imprimés tout au long du xvie siècle.
Chapitre III
De l’arbre aux arbres : ordonner les essences
Les textes du corpus traitent d’un nombre d’essences variable. L’encyclopédie de Vincent de Beauvais énumère ainsi plus de cent dix essences, tandis qu’on trouve une petite dizaine d’arbres dans l’Herbarius latinus de Fust et Schöffer. Parmi ces arbres, certains sont de véritables essences vedettes, présentes dans tous les textes du corpus. Le buis, le châtaignier, le cerisier, le figuier, le grenadier, le myrte, le noyer, le pin, le chêne ou encore le saule font partie de ces essences omniprésentes. D’autres, comme le bouleau, sont bien plus rares.
Cet univers foisonnant est structuré par des regroupements qui sont souvent d’une grande rigueur. La première division qui se fait jour, héritée directement d’Isidore de Séville, est celle qui distingue les arbres communs des arbres aromatiques. À cette division se superpose l’importante distinction que font les encyclopédistes entre arbres exotiques et arbres locaux. Les arbres aromatiques sont en effet souvent des arbres d’« outre-mer », que l’on connaît surtout par leurs produits aux propriétés odoriférantes. Une typologie rigoureuse concernant les arbres fruitiers se détache également des textes savants. De plus, le savoir médiéval n’ignore pas l’existence de véritables familles d’arbres : les caractères communs des arbres à feuilles persistantes ou des arbres glandifères sont souvent soulignés.
Troisième partie
Une forêt de symboles : les apports du discours savant à l’histoire culturelle des arbres
Chapitre premier
Du discours savant à la dimension symbolique et morale : quelle place pour le monde végétal ?
Le savoir naturel, notamment les encyclopédies, constitue un outil privilégié pour dresser de véritables dossiers culturels autour de certaines essences d’arbres. Ces textes permettent en effet d’interroger l’héritage gréco-romain à travers les éléments mythologiques qu’ils contiennent, ainsi que la merveille païenne ou chrétienne et les pratiques relevant d’une culture populaire. En outre, l’un des grands objectifs du savoir encyclopédique est de servir à l’exégèse et à la prédication. Il est donc légitime de s’interroger sur la dimension allégorique de certains arbres. Le croisement entre les textes savants et d’autres sources a mis en évidence que les développements symboliques et moraux contenus dans la littérature exemplaire se fondent souvent sur les propriétés naturelles des arbres, contenues dans les textes botaniques.
Chapitre II
Bons et mauvais arbres : la littérature savante, ou le règne de l’ambivalence
La littérature savante se caractérise par son ambivalence : il est rare qu’une essence apparaisse comme totalement négative. Cependant, il est indéniable que certains arbres font l’objet d’un propos plus positif que d’autres. Les arbres aux produits utiles dans la pharmacopée et ceux qui fournissent des fruits en abondance sont particulièrement bien considérés par les compilateurs. De plus, certaines essences sont appréciées pour leur beauté, leur caractère esthétique, au-delà de leurs emplois utilitaires. Ces arbres sont souvent dotés de qualités morales et font figure d’essences exemplaires. Certaines essences concentrent toutes ces vertus : c’est par exemple le cas de l’amandier, arbre dont la beauté et la fertilité évoquent la Vierge.
À l’inverse, certains arbres présentent des caractères particulièrement inquiétants : il s’agit notamment des arbres stériles, ou possédant des fruits vénéneux, ainsi que des essences dont l’ombre est dotée de propriétés maléfiques, comme le noyer. L’ambiguïté gouverne cependant les rapports entre l’arbre et ses produits. Certains arbres particulièrement positifs peuvent porter des fruits peu appréciés – c’est le cas du chêne ; à l’inverse, des arbres au capital symbolique négatif, comme le noyer, portent des fruits très appréciés. Même l’if, que la plupart des textes s’accordent à décrire comme un arbre diabolique, peut présenter des caractères positifs, chez Hildegarde de Bingen notamment.
Le saule est l’un de ces arbres ambivalents auquel l’étude consacre une analyse monographique. Cet arbre réputé stérile et doté de propriétés contraceptives apparaît à de nombreux égards comme très inquiétant, voire diabolique. Ses caractères botaniques donnent lieu à de nombreuses interprétations allégoriques et morales négatives. Cependant, le saule est un arbre vedette de la pharmacopée. Ses défauts ne l’empêchent donc pas d’être apprécié pour ses vertus médicales. En outre, sa croissance rapide est souvent valorisée, tant par les encyclopédistes que par les prédicateurs.
Chapitre III
Arbres bibliques et symbolique religieuse dans le savoir naturel
Les arbres issus de la tradition biblique occupent une place de premier plan au sein du savoir naturel : les passages qui leur sont consacrés sont souvent plus développés. Le texte biblique et sa glose sont l’une des principales références des compilateurs médiévaux. Une analyse plus poussée nous a amenée cependant à distinguer de nombreuses variations, d’un texte à l’autre et d’une essence à l’autre. Certains auteurs, tel Barthélemy l’Anglais, citent plus systématiquement l’Écriture que d’autres. De même, certaines essences, comme le chêne ou l’arbre à baume, font plus systématiquement que d’autres l’objet de renvois au texte de la Bible.
Ces arbres très liés à la tradition biblique font figure de véritables « arbres exemplaires ». Trois essences permettent d'illustrer des cas de figure bien différents. Dans le cas du cèdre, arbre marial, le savoir livresque s’empare totalement de l’héritage biblique et se fait l’écho de la dimension morale qui lui est attribuée dans la littérature exemplaire. L’arbre à baume est également un arbre à la forte dimension biblique, mais les textes du corpus se réfèrent plus volontiers à la légende chrétienne transmise par Jacques de Vitry qu’au texte de la Bible. Le figuier, enfin, constitue un exemple intéressant : arbre biblique par excellence, le figuier est très présent dans les sermons et les recueils d’exempla. L’image qui en est donnée dans la littérature exemplaire ne converge cependant pas avec le discours savant, qui privilégie ses propriétés et ses usages.
Conclusion
L’arbre est au cœur de la réflexion des naturalistes médiévaux, qui s’interrogent sur les divisions du monde végétal. La grande diversité des essences constitue un enjeu majeur pour les savants. Toute notion de botanique analytique n’a pas disparu au Moyen Âge : la connaissance médiévale met bien en jeu une classification complexe. Le règne des arbres fait l’objet de recherches lexicales et iconographiques d’une grande richesse. Enfin, le savoir livresque est un témoignage de premier plan pour l’élaboration d’une histoire culturelle des arbres. Les textes botaniques permettent d’étudier la place de l’arbre dans les mentalités. Les arbres des savants sont aussi ceux des prédicateurs ou des poètes, et les propriétés naturelles d’une essence sont souvent au service de sa dimension symbolique ou morale. Si elles désertent peu à peu la littérature savante, les croyances et les représentations collectives bâties autour des arbres au cours du Moyen Âge survivent durant les périodes suivantes et offrent à l’historien un formidable terrain à explorer.
Annexes
Tableau récapitulatif présentant la répartition de cent vingt et une essences dans huit œuvres du corpus. — Tableau des références bibliques présentes dans trois textes du corpus. — Sept dossiers textuels. — Index des matières. — Index des manuscrits.
Catalogue
Catalogue raisonné comportant cent huit figures numérotées et légendées.