Sommaire
- Introduction
- Sources
- Première partie
- Un lieu de pouvoir (Xᵉ-XVᵉ siècle)
- Chapitre premier
- Genèse et évolution du château de Talmont (Xᵉ-XIIIᵉ siècle)
- Chapitre II
- Le château dans son contexte seigneurial et politique (1233-v. 1500)
- Chapitre
- La vie sociale au château de Talmont du XIIIᵉ au XVᵉ siècle
- Deuxième partie
- Les programmes de construction (XIIIᵉ-XVᵉ siècle)
- Chapitre IV
- Les moyens de la construction en talmondais au XVᵉ siècle
- Chapitre V
- Les vestiges associés aux courtines est et nord-est : description et essai de restitution
- Chapitre VI
- Les vestiges associés aux courtines est et nord-est : programme, datation et contexte
- Troisième partie
- Modes de vie (XIIIᵉ-XVᵉ siècle)
- Chapitre VII
- À la table du château de Talmont
- Chapitre VIII
- Le château dans son environnement : ressources et territoires
- Chapitre IX
- Les fonctions du château de Talmont à la fin du Moyen Âge : essai d’interprétation
- Conclusion
- Annexes
Introduction
Le château de Talmont est l’un des monuments les plus célèbres du département de la Vendée et un objet privilégié de la recherche érudite depuis le xixe siècle. Pourtant, l’étude du monument et de son cadre historique s’est essentiellement concentrée, jusqu’à une époque très récente, sur le poids de ses seigneurs les plus prestigieux, notamment Richard Cœur de Lion à la fin du xiie siècle. Depuis le début des années 2000, le château de Talmont est l’objet d’un programme de recherches archéologiques mené par l’Inrap Grand Ouest, l’université de Poitiers et le département de la Vendée, qui a permis d’éclairer ses origines et son développement du xie au xiiie siècle. Les connaissances se font en revanche moins précises sur la période allant du xiiie au xve siècle ; la présence d’importantes données archéologiques issues de la fouille, de bâtiments en élévation et de riches sources écrites a ainsi conduit à une approche interdisciplinaire du château dans le cadre de cette thèse. Les apports et les limites respectifs des sources archéologiques et des sources écrites sont pris en compte dans l’écriture d’une histoire globale du château, de ses habitants et de son environnement à la fin du Moyen Âge. L’étude monographique aborde successivement le rôle politique du site, la diversité de sa population, l’organisation des chantiers qui s’y déroulent, l’analyse archéologique des programmes de construction de la fin du Moyen Âge, l’alimentation et l’environnement du site. L’objectif principal est une approche systémique des fonctions du château envisagé non seulement comme résidence seigneuriale, mais aussi comme lieu d’interactions sociales et d’activités variées.
Sources
Les sources utilisées sont de toutes natures. Le site lui-même constitue le principal document : la fouille archéologique de la grande salle au nord et les études d’archéologie du bâti sont les premières pourvoyeuses d’informations archéologiques. Diverses sources écrites médiévales issues du fonds de la Principauté de Talmont aux Archives départementales de la Vendée et du Chartrier de Thouars aux Archives nationales ont aussi été mobilisées.
Première partie
Un lieu de pouvoir (Xᵉ-XVᵉ siècle)
Chapitre premier
Genèse et évolution du château de Talmont (Xᵉ-XIIIᵉ siècle)
Contexte géographique et archéologique. — Le château de Talmont, monument abandonné pendant plusieurs siècles, n’a pendant longtemps été valorisé que par le biais d’un intérêt paysager et à la faveur de sa fonction de carrière de pierre. Il n’est classé monument historique que depuis 2009. Il prend place dans un terroir, le Talmondais, marqué par la présence de la mer et drainé par de petits fleuves côtiers, qui a bénéficié apparemment d’une couverture forestière importante ; l’ampleur de l’occupation humaine y est relativement méconnue pour les périodes historiques anciennes, Antiquité et haut Moyen Âge, malgré des vestiges archéologiquement attestés d’exploitation des ressources maritimes. Bilan des recherches actuelles. — Le château prend place sur un site qui abritait probablement un site fortifié léger au xe siècle. Cette fondation des comtes de Poitou marque une volonté d’extension du pouvoir de ces derniers vers l’ouest et la mer, et de contrôle des ressources saunières, peut-être en relais de leur ancien palais de Maillezais. Le site de Talmont lui-même pourrait être plus ancien ; mais la mention d’une viguerie carolingienne siégeant dans cette région ne peut pas être associée clairement à un site précis. Le château primitif présente une enceinte ovalaire de pierre, encore largement en élévation, enserrant des bâtiments domestiques et auliques, ainsi qu’une église, peut-être la localisation primitive de l’abbaye de Talmont fondée au xie siècle. Le château de Talmont est alors partagé entre les comtes d’Aquitaine et les seigneurs de Talmont, à la fois gardiens du château et aristocrates locaux exerçant leur dominium sur le Talmondais. À la fin du xie siècle ou au début du xiie siècle, une tour maîtresse s’élève à partir du clocher porche de l’église qui est alors démolie ; mais le château ne change vraiment d’aspect qu’à partir de la fin du xiie siècle ou du début du xiiie siècle. La courtine primitive est surélevée ; une tour-éperon ainsi qu’une tour-bouclier viennent compléter la tour maîtresse ; la cour est divisée en deux, on accède désormais à la haute cour, ou donjon, par une porterie coudée non flanquante. Une deuxième courtine enserre également le château. Une régie directe des travaux par Richard Cœur de Lion a été envisagée pour le rehaussement de la courtine ; mais il semble qu’une grande partie des travaux soit attribuable à Savary de Mauléon, seigneur de Talmont et sénéchal des Plantagenêts en Poitou. La genèse et la montée en puissance du château doivent être mises en relation avec la formation du bourg de Talmont. Les prospections et études archéologiques ont mis en évidence la présence de vestiges de fossés marquant une ancienne limite de la ville, peut-être dès le xie siècle, tandis que des textes plus tardifs nous renseignent sur son enceinte fortifiée. Une partition en deux est observable, avec un secteur subordonné peut-être dévolu à de l’habitat, y compris chevaleresque, la ville haute, et une ville basse qui aurait possédé des fonctions portuaires.
Chapitre II
Le château dans son contexte seigneurial et politique (1233-v. 1500)
La seigneurie de Talmont entre Plantagenêts et Capétiens au xiiie siècle. — Le roi de France s’empare de Talmont en 1233, à la mort de Savary de Mauléon, un de ses seuls soutiens en Bas-Poitou dans le contexte du conflit dynastique opposant Plantagenêts et Capétiens. Raoul de Mauléon, fils illégitime de Savary, n’est reçu à l’hommage qu’en 1246, Alphonse de Poitiers ayant besoin de subsides. Il meurt sans descendance en 1251, laissant un testament et sa seigneurie entre les mains du comte. Les vicomtes de Thouars, issus d’une aristocratie très ancienne remontant à l’époque carolingienne, étendent substantiellement leurs possessions en direction du Bas-Poitou et de l’Anjou aux xie et xiie siècles. Leur politique matrimoniale en particulier permet un agrandissement considérable de leurs domaines. Ils s’emparent de la seigneurie de Talmont au milieu du xiiie siècle, ayant racheté l’hommage auprès du comte Alphonse, dont le dominium est considérable en Poitou. Alphonse est à plusieurs reprises seigneur de Talmont, y ayant placé ses gens, capitaines et hommes d’armes.
La seigneurie de Talmont dans le patrimoine des vicomtes de Thouars (xie-xive siècle). — Entre le milieu du xiiie siècle et le milieu du xive siècle, les vicomtes de Thouars s’implantent solidement en Talmondais et manifestent leur dominium seigneurial dans cette nouvelle seigneurie. L’affirmation du pouvoir seigneurial des vicomtes de Thouars passe par différentes modalités : la confirmation de l’amicitia et des liens traditionnels des seigneurs de Talmont avec les abbayes locales, qui place les vicomtes dans la droite lignée des précédents seigneurs ; un travail administratif d’ampleur ; l’affirmation des droits seigneuriaux traditionnels sur la forêt. Le symbolique et l’administratif s’entremêlent constamment dans cette affirmation du pouvoir. Le début du xive siècle semble ainsi marquer une période où l’autorité des vicomtes n’est plus contestée en Talmondais, ce qui leur permet même de faire séjourner au château de Talmont un vicomte de Thouars sans pouvoir, placé sous tutelle de sa femme et de son fils. La période de la guerre de Cent Ans ne semble guère décisive. L’absence d’héritiers mâles dans la lignée des vicomtes de Thouars place la vicomté entre les mains de la maison d’Amboise à la fin du xive siècle.
Le château de Talmont et ses seigneurs au xve siècle. — Au xve siècle, la seigneurie de Talmont passe, ainsi que la vicomté de Thouars, entre les mains des seigneurs d’Amboise, proches du dauphin dans le contexte géopolitique du début du xve siècle, dans lequel la Loire et les pays au sud prennent une réelle importance. D’une certaine manière, les seigneurs s’éloignent toujours plus du château de Talmont, même si la gestion de la seigneurie continue d’être examinée avec soin, comme le montrent les régulières présentations des comptes faites à Thouars au cours du xve siècle. Mais il s’agit plus ici d’une source de revenus et d’un séjour ponctuel que du centre du pouvoir de ses seigneurs. Le pouvoir royal se ressent de manière d’autant plus forte en Talmondais ; le contrôle de la succession mène ainsi le château et la seigneurie entre les mains de Philippe de Commynes, proche du roi, entre 1470 et 1486, avant que Louis II de la Trémoïlle ne les récupère au terme d’un long conflit juridique. La présence de ces puissants personnages à Talmont doit être prise en compte lors de l’étude des programmes tardifs de construction.
Chapitre
La vie sociale au château de Talmont du XIIIᵉ au XVᵉ siècle
Les visites seigneuriales à la fin du Moyen Âge : autour des usages seigneuriaux du château. — Les vicomtes de Thouars, lorsqu’ils sont également seigneurs de Talmont, ne résident pas en permanence au château ; lorsqu’ils sont uniquement seigneurs de Talmont, il est possible que le château soit leur demeure principale, sans que les sources textuelles ne permettent de l’affirmer. Talmont fait alors figure de résidence placée à l’écart. Au xve siècle, les sources se font plus disertes. Le château de Talmont y apparaît comme un lieu d’habitation saisonnier, où l’on passe quelques jours, ou bien quelques mois. Par ailleurs, le château présente plusieurs fonctions pour ses seigneurs « nomades » : lieu de séjour, le château est aussi employé comme réserve d’argent et source de revenu.
Les ecclésiastiques au château : chapelains et abbés. — Les ecclésiastiques semblent très présents au château de Talmont au cours de cette période, tout d’abord comme véritables membres de la mesnie castrale, puis en raison du rôle seigneurial et judiciaire exercé par le château de Talmont. En effet, la densité d’abbayes est importante en Talmondais, et les abbés entretiennent des relations étroites avec le seigneur. Dans certains cas, les abbayes sont même vassales du seigneur de Talmont. Cette relation privilégiée, manifestée par les donations et les fondations de messes effectuées par les seigneurs de Talmont, est visible notamment à travers l’installation au château d’ecclésiastiques, tel l’abbé de Talmont qui y possède un hôtel au xve siècle. Par ailleurs, les clercs séculiers et réguliers font partie intégrante de l’entourage du seigneur, qu’il s’agisse de ses chapelains ou des membres de son administration, ou encore des prêtres séculiers de Talmont.
Les petites élites laïques et la défense du château : gardes et soldats. — Les actes font mention de la présence, auprès des seigneurs, de pairs aristocrates, du Talmondais et d’ailleurs. Lorsque le château se fait résidence ponctuelle, on retrouve cette aristocratie dans la suite seigneuriale, de même que celle du Talmondais qui, peut-être, « monte au château ». Cette facette de la population connaît une évolution importante au cours de la période considérée. En effet, le service de garde semble encore bien présent parmi les vassaux à la fin du xiiiie siècle, sans que nous puissions en cerner la réalité exacte. Cependant, dès le xive siècle et au xve siècle, les documents montrent une érosion forte de ce service. Il semble que la troupe sous l’autorité du capitaine de Talmont, telle que nous la percevons à travers les données à notre disposition, soit constituée en majorité d’hommes d’armes soldés, en petit nombre toutefois. Les armes employées à la défense sont assez méconnues. Les comptes, comme les vestiges archéologiques, indiquent cependant une présence forte des armes de trait telles que les arbalètes, et sans doute des armes à feu à la fin du xve siècle.
Les officiers seigneuriaux, rôle et ébauche de prosopographie. — Les officiers sont les représentants du seigneur en sa seigneurie, qu’ils gèrent en son absence, en levant l’impôt, en rendant la justice et en assurant la défense du château. Ils appartiennent souvent aux mêmes familles, membres de la petite aristocratie locale. Des qualifications comme un grade universitaire ou un titre de chevalerie sont également attestées chez les détenteurs de certains offices, tel procureur ou capitaine d’armes. Les officiers subalternes sont moins souvent nommés, malgré leur poids dans la vie locale, à commencer par les forestiers s’occupant de l’importante forêt seigneuriale, que l’on voit en action tout au long de la période. La présence au château des officiers semble, en revanche, assez ponctuelle.
« Petites mains » et autres habitants. Le château, lieu de vie et de travail pour les humbles. — Pour finir, le château est un lieu de vie pour de nombreuses personnes : non seulement le seigneur et sa suite, que l’on aperçoit ponctuellement, mais également des habitants semblant résider dans des maisons de la bassecour, ainsi que des prisonniers retenus avant ou après jugement. Pour d’autres, à commencer par les paysans et les artisans du Talmondais, le château est aussi un lieu de travail ponctuel, où l’on se rend pour compter des ardoises, monter des fagots ou faire la cuisine. Tout un peuple rural que l’on ne rencontre dans cet enclos élitaire que grâce à ces menues tâches.
Deuxième partie
Les programmes de construction (XIIIᵉ-XVᵉ siècle)
Chapitre IV
Les moyens de la construction en talmondais au XVᵉ siècle
La documentation : comptes et fouilles. — Outre les bâtiments eux-mêmes, diverses sources nous permettent d’accéder au secteur de la construction en Talmondais au Moyen Âge. La lecture des actes nous fournit des noms et des professions d’artisans depuis le xie siècle ; mais les documents de gestion du xve siècle permettent quant à eux d’affiner l’analyse, grâce aux marchés et achats de matériaux. Ainsi entrevoit-on le peuple des hommes de l’art et les matériaux nécessaires aux entreprises.
Maîtrise d’œuvre et maîtrise d’ouvrage. — Les commanditaires de constructions au château de Talmont sont les seigneurs eux-mêmes. À notre connaissance, aucune commande de construction proprement dite n’a été conservée ; mais la correspondance entre seigneur et officiers et les quittances seigneuriales nous renseignent sur la chaîne de commandement. C’est bien le seigneur qui ordonne les réparations à faire au château, en véritable maître d’ouvrage. Il est possible que le receveur prenne également l’initiative de réparations. Il semble que les officiers seigneuriaux jouent pour leur part un rôle de payeur et de contrôleur des œuvres plutôt que de maîtres d’œuvre ; cette dernière fonction est alors peut-être assumée par les maîtres artisans eux-mêmes.
La question financière. — Les réparations financées par les revenus de la seigneurie ne représentent qu’une partie des dépenses totales. Si l’on examine la comptabilité des chantiers, c’est bien le paiement de la main-d’œuvre qualifiée qui constitue le premier poste de dépenses. Les achats de matériaux concernent souvent des matériaux locaux peu onéreux. La gestion financière des chantiers nous procure ainsi de précieuses informations sur les conditions financières des entreprises de construction. La mention de constructions qui ne sont pas réglées dans les comptes de la seigneurie nous amène à penser que les constructions seraient indexées sur des revenus et une maîtrise d’œuvre spécifiques. En l’absence d’études sur la présence de maîtres des œuvres auprès des vicomtes de Thouars et de documents étayant cette hypothèse dans le chartrier de Thouars, il n’est pas possible d’avancer plus d’éléments sans de nouvelles découvertes.
Un important vivier d’artisans. — Les artisans du bois semblent les plus nombreux, mais les artisans de la pierre et du fer sont également présents, aux côtés de travailleurs moins qualifiés, employés comme aides auprès des artisans ou pour le transport des matériaux. Les salaires payés aux artisans travaillant sur les chantiers seigneuriaux permettent d’approcher l’état de l’économie. Une logique familiale est à l’œuvre, avec l’introduction du fils dans le métier par son père, et l’attribution de chantiers aux mêmes artisans pendant des années, voire à des familles, sur des décennies, marquant peut-être là une « tradition familiale » et une compétence reconnue pour les travaux sur les bâtiments seigneuriaux.
L’approvisionnement en matériaux de construction. — Les comptes permettent également, dans certains cas, d’évaluer la provenance des matériaux employés sur les chantiers. La pierre et le bois, matériaux d’extraction primaire, semblent provenir uniquement du terroir proche : le bois de la forêt d’Orbestier et la pierre de deux principaux lieux d’extraction, à savoir le cordon rocheux côtier et les carrières de Jard. Des études géologiques sur la pierre employée dans les différents bâtiments du château permettraient des comparaisons utiles. L’origine relativement lointaine de l’ardoise permet de replacer le chantier dans le contexte des réseaux d’échange de ce matériau à la fin du Moyen Âge.
Les arts du feu sur les chantiers de Talmont. — Les matériaux issus des arts du feu sont plus difficiles à situer, en particulier le fer, dont la provenance n’est quasiment jamais indiquée ; on ne peut que soupçonner qu’il soit produit sur place. Des importations sont signalées au début du xvie siècle. La terre cuite architecturale permet en revanche l’appréhension d’une production locale, acheminée au château par bateau et charrette.
Chapitre V
Les vestiges associés aux courtines est et nord-est : description et essai de restitution
Deux types de relevés ont été utilisés pour renseigner les élévations : des relevés au 1/20 établis à partir de la vectorisation d’orthophotographies, ainsi que des relevés pierre à pierre au 1/10. Les sources iconographiques permettent d’appréhender les vestiges bâtis dans des états plus anciens. Pas moins de quatre phases de construction pour la courtine est, et trois phases pour la courtine nord ont pu être définies à partir des relevés archéologiques. Ces phases de construction permettent de mettre en évidence la construction d’un bâtiment de plan oblong comprenant au moins deux niveaux et une partition verticale, ainsi qu’une chapelle de plan quadrangulaire à un seul niveau.
Chapitre VI
Les vestiges associés aux courtines est et nord-est : programme, datation et contexte
La chapelle, programme et datation. — L’édifice dans l’angle nord-est semble avoir été une chapelle de plan quadrangulaire, comprenant deux travées voûtées sur croisée d’ogives. L’iconographie nous permet d’entrevoir des contreforts associés aux murs. Il semble qu’il se soit agi d’une chapelle de plain-pied. Cette chapelle est ainsi assimilable à une chapelle castrale, peut-être seigneuriale. Le peu d’éléments conservés permet de dater cet édifice du xiiie siècle au plus tôt. Les restaurations qui y ont lieu au début du xve siècle fournissent un terminus ante quem à la datation de la chapelle. Cet édifice pourrait être associé à la vaste campagne de construction lancée au château par Savary de Mauléon au cours de la première moitié du xiiie siècle, et à la restructuration de l’espace nord-ouest.
Le logis, programme et datation. — Le bâtiment oriental est un logis élitaire, rappelant des exemples régionaux d’habitat aristocratique. Il date probablement de la seconde moitié du xve siècle, eu égard à sa structuration générale, à la présence de fenêtres à croisée, et à celle, probable, d’un plafond, caractéristique que l’on retrouve en Anjou à partir de cette époque. À l’examen des différents éléments en notre possession, il semble en effet que la construction de ce logis soit attribuable aux années 1450-1500, probablement liée à une commande de Louis d’Amboise, bien que nous ne conservions pas de comptes de construction pour ce bâtiment. Ses dimensions réduites l’apparentent plutôt à un manoir de petit seigneur, ou aux résidences de campagne des grands princes, format qui ferait de Talmont une résidence rurale confortable selon les critères de l’époque, s’intégrant dans un ensemble prestigieux, d’origine palatiale.
Les évolutions des espaces résidentiels seigneuriaux au château de Talmont (xiiie-xve siècle). — La fouille du bâtiment nord nous permet de suivre l’occupation de ce bâtiment, où persiste une occupation à dominante domestique, voire d’apparat, jusqu’au début du xve siècle environ, moment où le bâtiment est coupé en deux puis peu à peu abandonné. Dans le même temps, les textes et l’étude de bâti permettent de dater l’apparition d’un nouveau pôle résidentiel contre la courtine est de la seconde moitié du xve siècle, à une époque où le pôle résidentiel nord a déjà perdu cette fonction. On note une dynamique progressive d’agglomération puis de rejet des fonctions religieuses et domestiques hors du donjon, ou de la haute-cour. Toutefois, nous ne pouvons que noter la persistance d’un programme palatial au château de Talmont, malgré les modifications architecturales. Le logis ne s’intègre peut-être que comme programme résidentiel, la fonction aulique étant alors présente ailleurs.
Troisième partie
Modes de vie (XIIIᵉ-XVᵉ siècle)
Chapitre VII
À la table du château de Talmont
Les éléments de l’alimentation. — Si leur importance est primordiale au Moyen Âge comme dans toute société agricole préindustrielle, la présence des céréales est relativement discrète au château de Talmont. La fabrication et la consommation du pain sont toutefois attestées par quelques textes et par des structures archéologiques. Quant au vin, les comptes de la châtellenie et les commandes de bouche portent le témoignage de sa consommation en grande quantité. Le reste de l’alimentation végétale est peu connu, à l’exception de quelques mentions de comptes peu représentatives de plusieurs siècles d’occupation. L’étude archéozoologique montre une grande diversité d’espèces terrestres et marines : animaux d’élevage, de basse-cour en majorité, mais également animaux sauvages dont une grande variété d’oiseaux, ainsi que du poisson de mer. Les espèces consommées varient selon les périodes.
Lieux et pratiques de l’alimentation. — Les vestiges archéologiques laissent penser que les cuisines étaient intégrées au bâtiment nord jusqu’au xive siècle, avant d’occuper un bâtiment à part. L’évolution des formes du vaisselier culinaire, dédiées à la préparation, à la présentation et à la conservation des aliments, donne par ailleurs des informations concrètes sur l’alimentation. On assiste à une diversification des formes et des techniques, avec de plus en plus de formes ouvertes et de glaçures, ce qui atteste tant un attrait pour la céramique de qualité qu’une évolution des goûts commune à la fin du Moyen Âge. Les céramiques et les textes nous permettent d’accéder à une première approche des préparations culinaires élaborées dans les cuisines seigneuriales de Talmont à la fin du Moyen Âge.
Une alimentation élitaire ? — Les témoignages comptables des visites seigneuriales gardent trace des dépenses réalisées sur quelques jours, et nous permettent, en relation avec les données archéologiques, de dresser un portrait assez fidèle de l’alimentation seigneuriale. L’analyse des denrées achetées, de leur préparation et des dépenses occasionnées nous permet d’émettre l’hypothèse que le château de Talmont ait servi notamment de lieu dédié aux fastes seigneuriaux, tout particulièrement au xve siècle. La consommation de certains aliments peut également être interprétée dans une perspective sociale.
Chapitre VIII
Le château dans son environnement : ressources et territoires
Autour de l’approvisionnement local du château. — La réserve seigneuriale est mise en valeur, comme le montrent les documents comptables de la fin du Moyen Âge. Une grande partie des droits seigneuriaux sur la terre et les hommes repose sur des redevances en nature, notamment en grain et en bêtes. Enfin, une partie de ce qui est consommé au château est acheté sur le marché, probablement à Talmont. Le stockage des denrées est une réalité importante qui transparaît dans les textes, à travers des mentions de greniers et de granges, mais qui reste méconnue et peu explorée par l’archéologie.
Pays proches, horizons lointains : le château et les échanges. — Si le château stocke, c’est aussi dans la perspective de la vente de denrées, qui constitue une partie des recettes de la seigneurie. La consommation au château apparaît liée à des réseaux commerciaux à échelle régionale, mais pas seulement. La présence d’épices notamment, dont on suit les traces du marché au château qui le surplombe, montre que cette consommation élitaire repose en partie sur des réseaux d’échanges au long cours.
Forêts, pâturages et chasses seigneuriales. — L’étendue et la nature des massifs forestiers du Talmondais peuvent faire l’objet d’une première approche via les sources écrites, en l’absence d’études paléoenvironnementales. Les forêts de Talmont sont un lieu d’usage et d’exploitation pour tous les habitants de la seigneurie ; cependant, les usages seigneuriaux se caractérisent par des pratiques de chasse affirmées, visibles à travers les textes. Des territoires réservés, parcs et défens, sont également décelés dans la documentation et la toponymie ; une étude de terrain permettrait d’approfondir la connaissance de ceux-ci.
Chapitre IX
Les fonctions du château de Talmont à la fin du Moyen Âge : essai d’interprétation
Le croisement des données issues des divers champs de recherche, notamment en ce qui concerne les populations du château, la typologie de l’habitat et les modes de vie, permet finalement d’interpréter la trajectoire historique du château de Talmont comme étant celle d’une évolution progressive d’un lieu de pouvoir effectif vers une résidence agreste de plaisance à la fin du Moyen Âge.
Conclusion
L’approche interdisciplinaire a montré tout son intérêt dans l’étude du château de Talmont. En croisant les regards sur le château historique, celui des textes et le château archéologique du terrain, l’on en vient à toucher du doigt le château réel, microcosme politique, social et économique aux enjeux historiques extrêmement variés. Il semble que cette méthode de travail puisse être étendue. En effet, une étude interdisciplinaire de la consommation et des modes de vie dans les sites castraux du second Moyen Âge permettrait d’approcher de nombreux aspects relativement peu abordés de ces sites emblématiques.
Annexes
Cartes régionales et locales. — Plans du château et du bourg de Talmont. — Relevés archéologiques des fouilles et du bâti. — Dessins et photographies du mobilier archéologique. — Tableaux prosopographiques. — Éditions de documents : actes, comptes de personnel, de construction, de commandes de bouche et comptes de la forêt.