Sommaire
- Introduction
- Sources
- Première partie
- La place du violoncelle dans la constitution et la formation des orchestres parisiens et versaillais de la seconde moitié du xviiie siècle
- Chapitre premier
- La question des effectifs
- Chapitre II
- La taille des salles
- Chapitre III
- La disposition des basses au sein de l'orchestre
- Deuxième partie
- L'écriture du violoncelle dans les œuvres pour orchestre de la fin du xviiie siècle : Gossec et Haydn
- Chapitre premier
- L'influence du contexte d'exécution sur l'écriture
- Chapitre II
- Un traitement de l’instrument et une écriture violoncellistique propres à chacun
- Troisième partie
- Violoncellistes et orchestre dans la seconde moitié du xviiie siècle
- Chapitre premier
- La professionnalisation des violoncellistes d'orchestre
- Chapitre II
- Le quotidien des violoncellistes d'orchestre
- Chapitre III
- Figures de violoncellistes d’orchestre de la fin du xviiie siècle
- Conclusion
- Annexes
Introduction
Si la notion d'orchestre telle qu'on la connaît aujourd'hui ainsi que les ensembles musicaux auxquels elle renvoie existent depuis la Renaissance, l'acception actuelle du terme apparaît tardivement au cours de l'époque moderne. En effet, c'est seulement en 1702 que l'abbé Raguenet l'emploie dans le sens de « regroupement d'instrumentistes », au sein de son Parallèle des Italiens et des Français. La modélisation de la formation orchestrale elle-même n'intervient qu’au cours du xixe siècle, tant les approches exploratrices des compositeurs sont nombreuses. En ce qui concerne le violoncelle, on peut également considérer qu'il fait son apparition de manière tardive puisque les premières mentions qui lui sont faites dans les documents d'archives français, le plus souvent sous l'appellation de « violon de chelle », datent du tout début du xviiie siècle. C'est dire si l'étude d'un tel instrument durant la seconde moitié de ce siècle, au sein d'une institution en cours de formalisation telle que l'orchestre, peut s'avérer passionnante.
Les orchestres parisiens et versaillais, auxquels on a choisi de se limiter, sont de plus en plus nombreux durant la seconde moitié du xviiie siècle. La Musique du roi possède ainsi à la fois une phalange versaillaise, destinée à répondre aux besoins quotidiens de la monarchie, et une phalange parisienne, désignée sous l'appellation d'Académie royale de musique. Un certain nombre d'aristocrates ou de riches bourgeois, tels le prince de Condé, le prince de Conti ou le fermier général La Pouplinière, entretiennent également des orchestres de grande qualité, attirant à eux les meilleurs musiciens. Mais la période étudiée est avant tout le cadre d'une floraison sans précédent des concerts publics parisiens : le Concert Spirituel ou le Concert des Amateurs entretiennent ainsi des formations instrumentales plébiscitées par la presse et aux effectifs impressionnants. Le violoncelle a peu à peu réussi à s'imposer en tant que principal instrument de basse au sein de ces différents orchestres, prenant rapidement le pas, au cours du xviiie siècle, sur la basse de viole et la basse de violon. Le rôle qui lui est confié au sein de l'organisation orchestrale, d'un point de vue musical, mais également d'un point de vue institutionnel, est donc particulièrement intéressant.
Les sources musicales écrites au cours de la période étudiée sont très nombreuses et il a semblé nécessaire d'établir un corpus d'œuvres précis, afin de ne pas mener les recherches dans des directions trop différentes. La symphonie constituant le principal genre musical écrit pour l'orchestre seul, il a été choisi de se concentrer sur celle-ci et notamment sur les compositions de François-Joseph Gossec (1734-1829). Ce dernier peut en effet être considéré comme le plus grand symphoniste français de la période, tant par la quantité que par la qualité de sa production. L'intérêt d'un corpus n'étant le plus souvent mis en lumière que par l'établissement d'un système de comparaison, l'étude des symphonies d'un autre grand symphoniste européen de la période, Joseph Haydn (1732-1809), semblait tout indiquée. La place du violoncelle au sein de l'écriture musicale de ces deux corpus de symphonies a ainsi été soigneusement analysée et comparée.
L'étude d'œuvres ne saurait cependant être séparée de celle de leur contexte d'exécution. On s'est donc penché sur les orchestres parisiens dirigés par Gossec durant la seconde moitié du xviiie siècle, à savoir principalement les orchestres de La Pouplinière, du prince de Condé, du Concert Spirituel et du Concert des Amateurs. Leurs effectifs, et notamment leurs effectifs de violoncelles, ainsi que la disposition de ceux-ci ont été analysés et mis en comparaison avec ceux de l'orchestre du prince Esterházy, dirigé par Haydn pendant quasiment toute sa carrière de compositeur. La problématique sous-tendant l'ensemble du propos a consisté à se demander en quoi les caractéristiques en termes d'effectifs et de disposition avaient pu influencer l'écriture des deux compositeurs. Par ailleurs, la Musique du roi a été soigneusement étudiée, en tant qu'institution majeure de la période. En outre, il semblait essentiel pour compléter les recherches menées de s'intéresser aux hommes présents derrière les instruments, à leur statut social et à leur parcours au sein des différents orchestres.
Sources
Les sources musicales sélectionnées pour figurer dans le corpus d'étude sont toutes des partitions éditées. Les symphonies de l'opus VIII et de l'opus XII de Gossec ont ainsi fait l'objet d'une édition critique, menée par le Centre de musique baroque de Versailles au début des années 2000. Les parties séparées des symphonies de l'opus V ont quant à elles été numérisées sur Gallica. Un gros travail d'édition critique a par ailleurs été mené par Howard Chandler Robbins Landon sur les symphonies de Haydn et publié en 1965. On s'est donc appuyé sur cette édition pour étudier les symphonies no 31, n o 38, n o 45 et n o 49. En ce qui concerne le contexte institutionnel d'exécution des œuvres, un certain nombre de documents avaient déjà été publiés par d'autres chercheurs, tels Constant Pierre pour l'orchestre du Concert Spirituel ou David Hennebelle pour les orchestres aristocratiques. Le véritable travail de dépouillement qui a été mené porte donc plutôt sur la Musique du roi. Les archives du département de l’Argenterie, Menus Plaisirs et Affaires de la Chambre, consultables aux Archives nationales et se composant des cotes O/1 2806 à O/1 3276, constituent une mine d'or pour le chercheur. Il a été choisi de se limiter à un certain nombre de cartons significatifs, sous les cotes O/1 3025 à O/1 3046. Les documents conservés dans ces cartons sont intéressants tant en ce qui concerne les effectifs qu'en ce qui concerne le quotidien des musiciens.
Première partie
La place du violoncelle dans la constitution et la formation des orchestres parisiens et versaillais de la seconde moitié du xviiie siècle
Chapitre premier
La question des effectifs
L'étude comparée des effectifs de violoncelles dans les orchestres parisiens et versaillais d'une part, et dans l'orchestre du prince Esterházy d'autre part, met en lumière l'existence de particularités françaises très prononcées. Ces particularités consistent tout d'abord en une nette prédominance du nombre de violoncelles sur le nombre de contrebasses, qui sont plutôt équivalents dans l'orchestre dirigé par Haydn. Par ailleurs, les violoncelles sont, tant de manière absolue que proportionnelle, très nombreux au sein du pupitre des cordes des orchestres français. Ils peuvent ainsi représenter près de la moitié de ce pupitre durant les meilleures années, même si une étude globale des orchestres de la Musique du roi amène à constater une légère diminution au cours du xviiie siècle de l'importance numérique des violoncelles. Une telle situation est unique en Europe et pourrait en partie s'expliquer par l'abandon progressif du style polyphonique présent en France jusqu'à la fin du xviiie siècle et qui se caractérisait, selon les canons de la musique dite « baroque », par une stricte égalité des parties, sans renforcement de l'une au profit des autres. Par ailleurs, le style dit « classique » s'imposant durant la seconde moitié du xviiie siècle repose sur des jeux d'harmonie bien définis et plus statiques que dans la musique baroque : la présence d'une partie de basse renforcée permettrait de mieux asseoir les changements d'harmonie et de les rendre plus perceptibles à l'oreille.
Chapitre II
La taille des salles
L'existence d'effectifs d'instruments de basse aussi importants a naturellement amené à se demander quelles étaient les tailles des espaces au sein desquels se produisaient les orchestres parisiens et versaillais. Les dimensions de bâtiments ayant très régulièrement accueilli ces derniers, tels que le Grand Théâtre du château de Versailles, la salle des Cent-Suisses aux Tuileries ou encore la salle des Gardes de l'hôtel de Soubise, laissent ainsi penser que l'espace sonore à remplir était pour le moins important et nécessitait des effectifs orchestraux de grande taille. La puissance sonore des instruments de basse, et notamment des violoncelles, était donc appréciable pour permettre à la musique interprétée d'atteindre les derniers rangs des immenses salles employées pour les représentations. On assiste véritablement durant la seconde moitié du xviiie siècle au développement du concept de « salle de concert ». L'idée que l'orchestre, et donc la musique instrumentale, doit être placé au centre de l'attention se fait jour et trouve son plein épanouissement avec le développement des concerts publics. L'orchestre n'est plus seulement employé pour l'accompagnement de ballets et d'opéras et par conséquent caché dans une fosse : la musique instrumentale et symphonique existe désormais pour elle-même et ce dans de grandes salles. L'étude des évolutions organologiques au cours du xviiie siècle prouve que la facture des violoncelles s'intègre parfaitement dans la recherche d'une plus grande puissance sonore.
Chapitre III
La disposition des basses au sein de l'orchestre
L'existence d'effectifs de violoncelles aussi importants et de salles de taille aussi impressionnante a conduit à se demander comment les instruments étaient disposés les uns par rapport aux autres au sein des orchestres, et comment les pupitres des instruments de basse s'articulaient dans l'espace avec ceux des instruments dits « de dessus ». Il apparaît que la disposition la plus souvent adoptée au cours de la seconde moitié du xviiie siècle, notamment sur les conseils de théoriciens tels que Meude-Monpas, consiste à placer les instruments de basse au centre, les premiers et les seconds violons, complétés par les flûtes, les hautbois et les clarinettes, se faisant face de part et d'autre des violoncelles, des contrebasses et des bassons. Par ailleurs, les changements de répertoire participent également de cette évolution : la programmation du Concert Spirituel comporte ainsi de moins en moins de grands motets, qui se trouvent détrônés par le genre nouveau de la symphonie. Le changement de disposition, assurant une meilleure visibilité entre les premiers et seconds violons, manifeste une volonté d'adaptation au nouveau répertoire. La nécessité d'un batteur de mesure se fait de moins en moins sentir du fait de cette nouvelle organisation, grâce à laquelle les instrumentistes ne sont plus face au reste de la salle, mais en cercle, la basse servant de point d'appui et de référence pour les autres instruments de l'orchestre. Il s'agit là encore d'une particularité française, puisque l'étude de la disposition des instruments, et notamment des violoncelles, au sein de l'orchestre du prince Esterházy laisse entrevoir une situation différente : les violoncelles et les contrebasses, en nombre beaucoup moins important, se retrouvent le plus souvent répartis autour du clavecin d'un côté de la salle, les instruments dits de « dessus » de l'autre côté.
Deuxième partie
L'écriture du violoncelle dans les œuvres pour orchestre de la fin du xviiie siècle : Gossec et Haydn
Chapitre premier
L'influence du contexte d'exécution sur l'écriture
La présence de gros effectifs au sein de certains pupitres d'un orchestre modifie de manière certaine les rapports que ces pupitres sont amenés à entretenir avec le reste des instruments. Il a donc paru intéressant d’étudier en quoi le changement de rapport entre les parties, occasionné par la présence d'instruments de basse en grand nombre dans les orchestres parisiens, ainsi que les particularités de disposition ont pu modifier l'écriture symphonique de Gossec. L'étude comparée avec les symphonies de Haydn a permis de faire ressortir les particularités de chacune des deux écritures. On voit ainsi que la partie de violoncelle reste encore très dépendante du bloc de la ligne de basse, à géométrie assez peu variable. Il n'a pas été relevé de partie de basson indépendante et il est assez rarement demandé au(x) violoncelle(s) de jouer sans la ou les contrebasses. Un certain nombre de mesures communes à la ligne d'alto et à celle de basse ont également pu être recensées. Traiter de la place du violoncelle dans l'écriture symphonique implique donc de ne pas oublier les instruments qui le secondent et exécutent quasiment tout le temps la même ligne que lui pendant une grande partie de l'histoire de la musique. On a pu toutefois constater un certain nombre d'échappées solistes de l'instrument, prouvant qu’il commence véritablement à acquérir ses lettres de noblesse à cette période. Son timbre et ses possibilités techniques semblent en effet le rendre digne d'être mis sur le devant de la scène et de primer sur tous les autres instruments.
Chapitre II
Un traitement de l’instrument et une écriture violoncellistique propres à chacun
La partie exécutée par les violoncellistes se limite assez souvent à un simple soutien harmonique qui se traduit par l'exécution des notes de la basse fondamentale. Les rythmes sur lesquels sont jouées ces notes varient cependant, les compositeurs se plaisant à alterner les différents procédés à leur disposition pour ponctuer la ligne exécutée par les instruments de dessus : batteries de doubles croches et plus souvent de croches simples, noires plus ou moins régulières, blanches, longues tenues en blanches liées entre elles ou en rondes, etc. La partie de basse ne se limite pas toujours à un simple soutien harmonique ou a un simple rôle de ponctuation. S'il lui arrive d'être dotée de la mélodie principale, se détachant ainsi des autres instruments, elle peut aussi prendre part à des jeux de dialogue entre les différentes parties ou venir compléter le chant des voix de dessus par un dessin mélodique plus ou moins élaboré (montées chromatiques, gammes ascendantes ou descendantes, etc.).
L'écriture de la partie de violoncelle chez Gossec revêt un certain nombre de similitudes avec celle qui a pu être étudiée chez Haydn. On retrouve chez les deux compositeurs le même rôle de ponctuation et de soutien harmonique confié à la ligne de basse ainsi que le même type de motifs. Certains points diffèrent cependant. On l'a vu, Gossec ne fait jamais intervenir de parties de violoncelles solistes dans ses symphonies proprement dites, les seules occurrences pouvant être observées de manière éparse dans ses symphonies concertantes. Haydn, au contraire, développe déjà dans les symphonies sélectionnées, et notamment dans la symphonie no 31, Hornsignal, un art prononcé du détail dans l'articulation précise et dans la connaissance parfaite qu'il semble avoir de la technique du violoncelle, dotant ce dernier de plusieurs passages virtuoses. Par ailleurs, Haydn adopte une démarche que l'on pourrait qualifier de plus originale par l'emploi prononcé de certains modes de jeu particuliers, comme les pizzicati ou les sauts de cordes. Enfin, l'étude de la tessiture confiée au violoncelle révèle également une plus grande audace chez ce compositeur, même en dehors des parties solistes. Il amène par exemple les violoncellistes à faire plus souvent usage de la quatrième position, exploitant à plusieurs reprises le registre de la clé d'ut quatrième.
Troisième partie
Violoncellistes et orchestre dans la seconde moitié du xviiie siècle
Chapitre premier
La professionnalisation des violoncellistes d'orchestre
L'époque moderne est le cadre d'une évolution majeure en ce qui concerne la situation des musiciens d'orchestre et des musiciens en général dans la société. Cette évolution consiste en l'émergence lente et progressive d'une pensée selon laquelle jouer ou composer de la musique peut être considéré comme un métier à part entière. Le fait que la musique ne constitue plus une activité annexe ou un divertissement suppose par conséquent que celui ou celle qui la pratique y soit formé de manière professionnelle, puis gravisse les échelons lui permettant d’espérer une certaine reconnaissance sociale et surtout lui donnant l’opportunité d’en tirer des sources de revenus suffisantes. C'est pourquoi on s'est intéressé à la carrière de ces musiciens professionnels et en particulier à celle des violoncellistes dont les activités s'avèrent particulièrement variées durant la seconde moitié du xviiie siècle. On s'est également penché sur les rémunérations permises par cette carrière et le statut social induit par celles-ci, afin de comprendre comment les violoncellistes s'insèrent dans la France de l'Ancien Régime. Il est apparu que les différences de statuts et de carrières dépendent essentiellement des personnes ou des institutions qui emploient les musiciens. Les violoncellistes du roi sont ainsi particulièrement bien lotis en ce qui concerne les gages touchés et le statut qu'ils occupent dans la société de la fin du xviiie siècle. Leur carrière est en revanche amenée à être beaucoup plus sclérosée que celle de leurs collègues de la capitale, qui naviguent d'orchestre en orchestre et ont l'opportunité de se faire connaître en tant que chambriste ou soliste.
Chapitre II
Le quotidien des violoncellistes d'orchestre
Il a semblé intéressant de se pencher sur la vie des violoncellistes d'orchestre au jour le jour. En effet, les archives du département de l’Argenterie, Menus Plaisirs et Affaires de la Chambre fourmillent de détails en tous genres sur le quotidien des instrumentistes au service de la Couronne, depuis les dates et horaires de leurs répétitions jusqu'aux habits qui leur sont fournis, en passant par les répétitions effectuées sur leurs instruments. Les travaux menés par d'autres chercheurs permettent par ailleurs de comparer leur quotidien avec celui des violoncellistes de la capitale. Durant la seconde moitié du xviiie siècle, nombreux sont les violoncellistes à mener une vie pour le moins ordinaire. La plupart d'entre eux se lèvent ainsi le matin pour effectuer leur journée de répétition, qui se conclue régulièrement par un concert en soirée. Il est fort probable que certains, et notamment ceux présents aux pupitres les moins intéressants, aient effectué cette tâche uniquement pour gagner leur vie, après que leur père leur a montré ce modèle, et le père de leur père avant cela. Leurs préoccupations étaient sans doute assez éloignées de celles des violoncellistes ayant régulièrement l'occasion de se produire en tant que soliste ou chambriste. La description du quotidien de ces instrumentistes met donc en lumière la diversité des situations et des vécus, la notion de violoncelliste d'orchestre recouvrant des réalités très différentes.
Chapitre III
Figures de violoncellistes d’orchestre de la fin du xviiie siècle
Il paraissait essentiel de se pencher pour terminer sur les personnalités présentes derrière les pupitres des différents orchestres. S'il n'a pas été possible de connaître ou de reconstituer la vie de tous les violoncellistes, on a toutefois tenté de recouper les différentes informations présentes à la fois dans les sources et dans les travaux des autres chercheurs, de sorte à pouvoir décrire de la manière la plus complète possible le parcours d'un certain nombre d'entre eux. Quelques-uns ont mené une vie tranquille, cachés derrière leur pupitre et ne misant que sur leur ancienneté pour obtenir une promotion. D'autres ont en revanche connu des parcours plus chaotiques ou plus enrichissants, parcourant l'Europe ou se faisant connaître grâce à leurs traités pédagogiques et leurs compositions. La description des carrières de violoncellistes restés célèbres, tels que les frères Duport, les frères Janson, Jean-Baptiste Bréval ou encore Joseph Tillière, a permis de mettre en lumière la naissance d'une politique de vedettariat durant la seconde moitié du xviiie siècle, jusqu'alors réservée presque exclusivement aux violonistes et aux clavecinistes. Le nombre des violoncellistes présents sur les scènes parisiennes et versaillaises semble avoir été plus important qu'on ne l'a cru pendant longtemps, puisque, malgré la politique du cumul des emplois, ceux-ci semblent avoir été une petite cinquantaine si l'on se fie aux chiffres donnés par les différents Almanachs de la période.
Conclusion
Une étude à la fois institutionnelle, musicologique et sociale pouvait passer pour une entreprise plutôt hasardeuse au premier abord, tant elle supposait de mener des recherches dans des domaines a priori très différents. Mais ces domaines sont-ils si éloignés les uns des autres ? À l'époque moderne, un compositeur sait quasiment toujours pour quel orchestre ou pour quels instrumentistes il écrit. Une telle connaissance implique de prendre en considération, comme on l'a vu, quels sont les effectifs existant et quel volume sonore doit être rempli en fonction de la taille de la salle. Il n'est d'ailleurs pas impossible que les influences soient mutuelles et que tout cet ensemble finisse par former un cercle vertueux. En effet, il arrive également souvent que les effectifs d'un orchestre ainsi que leur disposition dans l'espace s'adaptent aux œuvres devant être jouées. Il peut sembler plus difficile de faire un lien entre l'aspect social de la présente thèse et le reste de l'étude qui a été menée. On ne saurait cependant faire revivre un instrument sans s'intéresser aux musiciens qui le faisaient exister aux yeux du reste de la société. La valorisation du violoncelle, aussi bien en tant qu'instrument soliste qu'en tant qu'instrument de basse soutenant l'équilibre orchestral, n'a pu réellement avoir lieu que grâce à des musiciens passés maîtres dans leur art et ayant réussi à faire reconnaître toutes les possibilités du violoncelle. Un compositeur est ainsi plus enclin à confier des parties riches et intéressantes à un instrument lorsqu'il sait que cette partie est réalisée avec brio et talent par des instrumentistes compétents. La présence de violoncellistes comme Duport, Bréval ou Janson dans les rangs des orchestres parisiens a pu influencer positivement la vision que les compositeurs contemporains avaient de l'instrument. On a vu que la situation était telle pour Haydn, qui savait avoir à sa disposition des violoncellistes d'un tel talent et pouvait se permettre d'inclure des parties solistes virtuoses pour l'instrument dans ses symphonies.
Annexes
Liste des violoncellistes présents au sein de la Musique du roi (1761-1792). — Description des effectifs des instruments de basse dans les archives de l'Argenterie, Menus Plaisirs et Affaires de la Chambre (1770-1775). — Liste des œuvres des violoncellistes compositeurs.