Sommaire
- Introduction
- Sources
- Première partie
- Structures et organisation de l’ordre du Saint-Esprit
- Chapitre premier
- Genèse et affirmation de l’ordre du Saint-Esprit
- Chapitre II
- Un cérémonial fastueux au service de la gloire de l’ordre et de son souverain chef et grand-maître
- Chapitre III
- Une puissance financière ?
- Chapitre IV
- Des officiers au service de l’ordre du Saint-Esprit
- Deuxième partie
- Les chevaliers de l’ordre du Saint-Esprit sous Louis XIV : reflet de l’absolutisme
- Chapitre premier
- L’ordre du Saint-Esprit : un outil politique aux mains du roi de France
- Chapitre II
- Le choix du roi
- Chapitre III
- Récompenser la fidélité
- Chapitre IV
- Valeur et utilité
- Conclusion
- Pièces justificatives
- Annexes
- Illustrations
Introduction
L’ordre du Saint-Esprit est créé en 1578 par Henri III pour fédérer autour du trône la noblesse divisée par les guerres de Religion. L’ordre de Saint-Michel, accordé trop largement durant les régences, avait perdu de son prestige et ne pouvait plus jouer ce rôle. Dédié au Saint-Esprit en mémoire de l’accession d’Henri III aux trônes de Pologne et de France aux jours de Pentecôte 1573 et 1574, le nouvel ordre doit accueillir cent membres de la noblesse catholique – quatre-vingt-sept chevaliers, neuf commandeurs ecclésiastiques et quatre grands officiers. Le roi devient chef et souverain grand-maître de l’ordre après son sacre. Les chevaliers sont systématiquement reçus dans l’ordre de Saint- Michel avant d’intégrer l’ordre du Saint-Esprit. Ils sont donc souvent appelés « chevaliers des ordres du roi », ou bien simplement « cordons bleus ». Une fois choisis par le roi, ils doivent faire preuve de quatre degrés de noblesse et de leur foi catholique.
Dès son accession au trône, Louis XIV s’empare de l’ordre du Saint-Esprit pour en faire un instrument au service de son pouvoir. Il célèbre trente promotions au cours de son règne et nomme cent quatre-vingt-quinze chevaliers et commandeurs ecclésiastiques. Seules trois cérémonies dépassent cependant le nombre de cinq novices, celles de 1661, de 1688 et de 1705. La chronologie de ces promotions est révélatrice. Elles coïncident en effet avec des moments clés du règne – début du gouvernement personnel du roi, déclenchement de la guerre de la Ligue d’Augsbourg, guerre de Succession d’Espagne – durant lesquels Louis XIV a besoin de rassembler sa noblesse autour de lui. L’étude de l’ordre sous ses aspects institutionnel, cérémoniel et financier, ainsi que la présentation des officiers qui lui sont associés permettent de montrer la puissance de l’ordre du Saint-Esprit sous Louis XIV. Par ailleurs, l’examen de la typologie des chevaliers au moment de leur nomination donne des clés pour comprendre les choix du souverain à des moments importants de son règne. Cette thèse montre ainsi comment l’ordre du Saint-Esprit est utilisé et exploité par le roi pour servir sa politique et en faire un outil de l’absolutisme louis-quatorzien.
Sources
Les archives propres de l’ordre ont souffert des destructions révolutionnaires. Aux Archives nationales ne se trouvent que quelques cartons consacrés aux ordres du roi, la plupart concernant le XVIIIe siècle et la Restauration.
L’historien peut toutefois s’appuyer sur l’important travail de Pierre Clairambault, généalogiste des ordres du roi de 1698 à 1740. Chargé de vérifier les preuves des novices à leur entrée dans l’ordre, celui-ci a également l’ambition de constituer un Cabinet des ordres afin d’écrire leur histoire. Il y réunit tout ce qui a été écrit sur l’établissement de l’ordre, les statuts imprimés, les délibérations capitulaires, les promotions et extraits de comptes rendus par le grand trésorier. La collection est également très riche en dessins et gravures, comportant des portraits et des pièces relatives aux chevaliers, mais aussi des dessins des ornements de l’ordre ou des cérémonies. Cédé à l’ordre du Saint-Esprit au cours du XVIIIe siècle, le Cabinet des ordres souffre des destructions révolutionnaires. Les manuscrits restants sont aujourd’hui conservés à la Bibliothèque nationale de France. Malgré ces lacunes, la collection Clairambault demeure une source capitale pour l’étude de l’ordre du Saint-Esprit et a constitué la source principale de ce travail. On y trouve notamment des manuscrits du greffe tenus par le secrétaire et les manuscrits des comptes du grand trésorier du Saint-Esprit. L’ordre du Saint-Esprit a également été étudié grâce aux nombreux mémoires, correspondances et journaux d’époque, comme ceux de Saint-Simon, Dangeau, Sourches, La Fayette, ou encore grâce aux lettres de la marquise de Sévigné.
Première partie
Structures et organisation de l’ordre du Saint-Esprit
Chapitre premier
Genèse et affirmation de l’ordre du Saint-Esprit
La fondation de l’ordre du Saint-Esprit résulte d’une lente genèse dans l’esprit d’Henri III. Après l’échec de la création de deux ordres en 1574, le roi réitère sa volonté de créer un ordre de chevalerie en 1578. Il demande au pape la création de commendes financées par l’Église de France destinées à entretenir le nouvel ordre et ses chevaliers commandeurs. Devant les tergiversations du pape, il se résigne à abandonner les commendes et fait tenir la première cérémonie de l’ordre du Saint-Esprit à Paris le 1ᵉʳ janvier 1579. Dès novembre 1578, il lui avait fait présenter une première version des statuts de l’ordre. Plusieurs éditions des statuts se succèdent ensuite dans les premières années de l’ordre, au gré des modifications apportées à certains articles. Les changements principaux concernent le nombre de chevaliers – ramené à cent, y compris les quatre grands officiers – et leur âge minimum, fixé à vingt-cinq ans pour les princes et à trente-cinq ans pour les autres nobles. Après son sacre, Henri IV apporte de nouvelles modifications aux statuts. Il exclut ainsi les bâtards, fait disparaître les monogrammes chiffrés des colliers au profit de trophées d’armes et, surtout, décide d’ouvrir l’ordre aux souverains et seigneurs étrangers.
La tenue de chapitres annuels à huis clos est prévue par les statuts. Au moins dix-huit chevaliers doivent être présents pour donner plus de poids aux mesures prises. Les chapitres doivent assister le souverain dans la nomination de chevaliers. Le roi les convoque également pour traiter des affaires financières du Saint-Esprit. Les chevaliers sont théoriquement invités à donner leur avis mais sous Louis XIV, les chapitres deviennent petit à petit un simulacre de collégialité. En dehors de ces chapitres et des cérémonies, les chevaliers se distinguent par le port de la croix du Saint-Esprit pendue à un ruban bleu ainsi que par une croix cousue sur leurs vêtements. Ils sont également tenus à des exercices spirituels quotidiens. Ils jouissent de quelques privilèges mais leur qualité de chevalier du Saint-Esprit ne leur accorde pas de rang particulier à la cour.
Les statuts prévoient la constitution et la conservation d’archives propres à l’ordre. Très variées, celles-ci sont conservées par le greffier-secrétaire et par le grand trésorier. Ces archives sont un enjeu de pouvoir et sont soigneusement inventoriées lors des passations d’offices. Elles permettent de garder en mémoire la fondation de l’ordre et de conserver les droits et prérogatives des chevaliers. Elles jouent également un rôle jurisprudentiel pour régler les querelles de préséances qui surgissent entre les cordons bleus lors des cérémonies. Enfin, la fin du XVIIe siècle et l’entrée en charge de Pierre Clairambault comme généalogiste de l’ordre marquent une inflexion vers une utilisation historique des archives du Saint-Esprit.
Chapitre II
Un cérémonial fastueux au service de la gloire de l’ordre et de son souverain chef et grand-maître
Henri III a fait élection du couvent des Grands-Augustins à Paris pour célébrer les cérémonies de l’ordre du Saint-Esprit. Il participe à son embellissement et prévoit des aumônes pour les religieux. Une fois sacré, Louis XIV fait procéder à de nouveaux travaux dans la chapelle dédiée à l’ordre. La grande promotion de 1661 a lieu dans le couvent somptueusement décoré, mais cette cérémonie est la dernière à s’y tenir. À partir de 1682, le centre de gravité de l’ordre est déplacé à Versailles. Le Saint-Esprit suit ainsi le déplacement du gouvernement et de la cour vers ce nouveau siège de la Couronne.
L’ordre est doté dès sa création d’un trésor et d’ornements liturgiques. Le trésor est constitué de douze pièces appartenant au trésor royal et d’une dizaine d’objets fabriqués expressément pour l’ordre. Le trésor et les ornements ne sont pas augmentés par la suite, les souverains successifs se contentant de les faire restaurer. L’ordre fait également exécuter des colliers et des croix donnés aux chevaliers lors de leur réception. S’ils les portent quotidiennement, ceux-ci n’en sont pas propriétaires et les colliers doivent être restitués par les héritiers à la mort du chevalier. Lors des promotions, les novices revêtent des costumes particuliers avant de recevoir des mains du roi le collier et la croix de l’ordre ainsi que le grand manteau de cérémonie, dont la confection est à leur charge. Sous Louis XIV, le cérémonial est un peu simplifié et le roi dispense souvent les anciens chevaliers de paraître aux cérémonies avec leur lourd manteau.
Les cérémonies nécessitent d’importants préparatifs, dont nous avons parfois gardé la trace. On fait notamment construire des aménagements provisoires dans la chapelle choisie pour les festivités. Le déroulement des cérémonies est très précisément organisé. Elles débutent par des processions, suivies d’une messe et de la prestation de serment des novices. Ces processions sont souvent l’occasion d’importantes querelles de préséances entre les chevaliers, notamment en 1688. Ces disputes poussent même certains nobles à refuser l’ordre. Elles sont toutefois réglées avant les fêtes et ne perturbent pas le bon déroulement de ces cérémonies destinées à magnifier la gloire du roi et des chevaliers.
Chapitre III
Une puissance financière ?
Les comptes de l’ordre du Saint-Esprit sont une source particulièrement précieuse pour connaître son fonctionnement. Ils sont tenus chaque année par le grand trésorier, qui est responsable sur ses propres deniers du maniement des fonds de l’ordre. Les comptes doivent théoriquement être contrôlés tous les ans par des chevaliers désignés à cet effet, mais ils ne sont en réalité rendus que tous les dix ans environ. Ils font mention des recettes obtenues chaque année par l’ordre, provenant en grande partie du produit du droit du marc d’or affecté au Saint-Esprit depuis 1582. Cette taxe doit être payée par tous les acquéreurs d’offices avant d’obtenir leurs lettres de provision.
Le principal poste de dépense de l’ordre correspond aux distributions annuelles aux chevaliers, prévues par les statuts. Toutefois, l’ordre du Saint- Esprit étant progressivement devenu un soutien financier de la monarchie, seuls quelques chevaliers reçoivent effectivement ces 3 000 livres chaque année. En effet, l’ordre prête à plusieurs reprises de l’argent au roi et accepte l’aliénation de la moitié du droit de marc d’or au profit des caisses de l’État en 1657, diminuant ainsi les fonds affectés aux chevaliers. Le souverain impose également des augmentations de gages aux officiers du marc d’or.
Les chevaliers sont relativement épargnés par ces « demandes » de subvention. Toutefois, l’ordre du Saint-Esprit ne représente pas vraiment un intérêt financier pour ses bénéficiaires. Ceux-ci jouissent de privilèges grâce à leur statut de chevalier mais ne reçoivent pas toujours leur distribution annuelle et doivent payer le coûteux manteau de cérémonie. Ils sont également touchés par la capitation de 1695 et acceptent de subir la levée du dixième sur les revenus issus du marc d’or.
Chapitre IV
Des officiers au service de l’ordre du Saint-Esprit
Les statuts prévoient la présence de quatre grands officiers commandeurs : un chancelier garde des sceaux, un prévôt maître des cérémonies, un grand trésorier et un greffier. Ces places sont prestigieuses et recherchées. Leurs titulaires portent, à peu de différence près, le même costume que les chevaliers, ce qui donne l’impression qu’ils appartiennent à la haute noblesse. Les officiers s’arrogent de plus en plus de droits malgré les plaintes des chevaliers et profitent pleinement de cette assimilation visuelle. Le roi réserve ces offices pour récompenser les grandes familles ministérielles et fait de leur attribution un élément de sa politique de la faveur.
L’ordre du Saint-Esprit compte également quatre petits officiers : un héraut roi d’armes, un huissier, un intendant et un généalogiste. Ces charges sont moins prestigieuses que les précédentes mais elles offrent elles aussi des privilèges et permettent à leur titulaire de porter les insignes de l’ordre. Le Saint-Esprit rémunère également des commis attachés aux officiers pour assumer les tâches matérielles liées aux charges. Il fait aussi fréquemment appel à des artisans pour organiser les cérémonies et confectionner les croix, colliers et bourses de velours destinées à contenir les distributions des chevaliers et les jetons pour les commissaires des comptes.
Les trésoriers généraux et contrôleurs généraux du marc d’or, créés en 1656, sont eux aussi assimilés aux officiers du Saint-Esprit. Ils sont chargés de la perception de la taxe du marc d’or. Ces offices sont exercés par des hommes souvent liés à la finance et à la bonne bourgeoisie parisienne. Ils jouissent d’une position sociale honorable, rehaussée par le prestige de l’ordre dont ils portent la croix. Ils restent toutefois une cible privilégiée au sein de l’ordre pour les augmentations de gages imposées par le roi.
Deuxième partie
Les chevaliers de l’ordre du Saint-Esprit sous Louis XIV : reflet de l’absolutisme
Chapitre premier
L’ordre du Saint-Esprit : un outil politique aux mains du roi de France
Les promotions célébrées par Louis XIV durant son règne suivent une chronologie significative. La grande cérémonie de 1661 marque le début de son règne personnel. Il affiche ainsi pleinement sa volonté de prendre le pouvoir en main et de s’affirmer comme la seule source d’honneurs et de récompenses. Les petites promotions des années 1663 à 1686 ont un caractère diplomatique ou familial marqué : elles distinguent des diplomates, le roi de Pologne et des membres de la famille royale. Celle de 1688 a lieu peu après le déclenchement de la guerre de la Ligue d’Augsbourg, à un moment où le roi a besoin de s’assurer le soutien de sa noblesse. De même, les petites promotions rapprochées de la fin du règne sont à mettre en rapport avec les événements militaires qui ponctuent les dernières années de Louis XIV. Ces cérémonies ont une forte dimension militaire, distinguant notamment les maréchaux de France ou des héros de guerre.
Une typologie dressée à partir d’un tableau recensant les caractéristiques de chaque chevalier à sa nomination nous permet de comprendre sur quel type de personnages se portent les choix du roi. L’étude prend en compte les fonctions de ces gentilshommes : état ecclésiastique, maréchalat, gouvernement, lieutenance générale d’un gouvernement, carrière militaire, missions diplomatiques ou détention d’un office curial. Elle montre que l’ordre n’est pas vraiment un groupe homogène, même si les chevaliers sont pour la plupart issus de très bonnes maisons. Ils sont cependant majoritairement tournés vers les carrières militaires et représentent une bonne partie des officiers supérieurs des armées.
Chapitre II
Le choix du roi
Les chevaliers doivent fournir la preuve de quatre degrés de noblesse et la plupart sont effectivement issus de lignées illustres dont l’origine se perd. Lors de la pro- motion de 1688, certains sont cependant critiqués en raison de leur noblesse trop récente quand d’autres refusent l’ordre faute de pouvoir produire des preuves suffisantes. Les commandeurs ecclésiastiques sont également issus de grandes familles nobles. Souvent habiles diplomates, ils sont choisis pour leurs mérites par le souverain. La plupart des chevaliers et commandeurs ecclésiastiques distingués par le roi ont déjà servi la monarchie de longues années et le cordon bleu vient souvent marquer l’aboutissement d’une carrière. Il permet aussi au roi d’inciter de jeunes gentilshommes à s’engager auprès de lui.
Le souverain a en théorie toute latitude pour désigner les gentilshommes de son choix. Dans les faits, Monsieur, Madame, le duc de Chartres et le prince de Condé jouissent d’un droit de présentation qui leur permet de demander la nomination d’un de leurs fidèles. Par ailleurs, on observe une forte hérédité dans les rangs du Saint-Esprit. Nombre de chevaliers nommés par Louis XIV sont ainsi les descendants de chevaliers. Les choix du roi se portent cependant bien sur des personnes et non sur des maisons. Il ne cherche pas à distinguer les membres d’une famille en particulier mais fait son choix au sein d’une élite nobiliaire restreinte.
Le cordon bleu n’est pas un dû, pourtant certaines catégories de personnes y prétendent automatiquement. Sous son règne, Louis XIV distingue ainsi la plupart des ducs et pairs. La non-attribution de l’ordre revient alors à une véritable sanction. Chaque promotion produit son lot de mécontents. Certains refusent le cordon, insatisfaits du rang qui leur est octroyé au sein de la promotion. D’autres se lamentent de n’avoir pas été faits chevaliers et mettent en avant les qualités qui auraient dû leur valoir d’être nommés.
Chapitre III
Récompenser la fidélité
L’ordre du Saint-Esprit est un instrument du souverain pour récompenser la fidélité et gratifier ses fidèles. La promotion de 1661 est ainsi fortement marquée par la volonté de témoigner la reconnaissance de la Couronne envers ses soutiens durant la Fronde. Le cordon bleu est également un moyen de susciter les fidélités par la volonté naturelle de distinction des nobles. Le Saint-Esprit est enfin mis en scène pour souligner la magnanimité du souverain accueillant d’anciens frondeurs repentis.
L’ordre du Saint-Esprit est également utilisé durant les régences. Anne d’Autriche et Mazarin s’en servent durant la minorité de Louis XIV. Le roi n’étant pas encore sacré, aucune nomination ne peut avoir lieu, mais ils envoient des brevets promettant à leur destinataire d’être associé à l’ordre à la prochaine cérémonie. Ces brevets sont rarement suivis d’effet mais ils leur permettent de rassembler la noblesse autour du trône dans un moment de faiblesse de l’autorité royale.
Au cours de son règne, Louis XIV nomme douze étrangers dans l’ordre du Saint-Esprit dans des buts diplomatiques. Il distingue notamment le roi de Pologne et ses fils, mais aussi quelques princes italiens, allemands et espagnols. L’un d’eux, le duc de Bracciano, finit par rendre son cordon en 1688, incapable de concilier plus longtemps sa fidélité au pape avec celle exigée par le serment de chevalier du Saint-Esprit. D’autres chevaliers sont, eux, privés de leur collier par le souverain. Le cardinal de Bouillon se voit ainsi déchu de sa qualité de commandeur ecclésiastique après plusieurs années de disgrâce.
Chapitre IV
Valeur et utilité
L’ordre du Saint-Esprit permet au roi de distinguer des gentilshommes qui lui sont utiles, notamment pour tenir le territoire. Beaucoup de chevaliers sont ainsi gouverneurs ou lieutenants généraux de gouvernements, la plupart du temps dans des places militaires stratégiques du royaume. En 1688, nombre de gouverneurs à la tête des places fortes de la ceinture de fer sont nommés dans l’ordre alors que le royaume vient d’entrer en guerre. Le roi récompense donc les nobles dont il a besoin. De même, plusieurs ambassadeurs reçoivent le cordon au cours de son règne, encourageant ainsi les nobles à se porter volontaires pour effectuer des ambassades.
La promotion de 1688 est marquée par la guerre. Lorsque le roi annonce son intention de tenir une nouvelle promotion, il souhaite encourager les officiers de ses armées à soutenir l’effort de guerre. De distinction nobiliaire, le cordon est devenu un moyen de récompenser le mérite militaire, et de nombreux lieutenants généraux des armées le reçoivent. Une vingtaine de novices sont par ailleurs dispensés d’assister à la cérémonie pour rester dans leur gouvernement.
La fin du règne de Louis XIV est caractérisée par l’omniprésence des conflits. En 1705, le roi décide de nommer l’ensemble des maréchaux de France dans une promotion. La récompense des plus hauts cadres de l’armée est supposée inciter les autres officiers aux plus grands exploits pour espérer obtenir le bâton de maréchal et le cordon bleu. Louis XIV distingue également les auteurs d’exploits militaires durant la guerre de Succession d’Espagne, malgré la création en 1693 de l’ordre de Saint-Louis, spécifiquement dédié à la récompense du mérite militaire.
Conclusion
L’ordre du Saint-Esprit s’est progressivement affirmé comme la plus prestigieuse distinction du royaume. Instrument de faveur et de récompense aux mains du roi, il est utilisé par Louis XIV comme un moyen de servir sa politique. Le roi s’en sert pour rassembler la noblesse autour du trône et pour susciter les fidélités et l’engagement des nobles à ses côtés. Il sollicite aussi financièrement ses membres dans les moments de difficultés de la Couronne. Il le fait ainsi évoluer au gré de ses besoins ; le caractère militaire de cette récompense est de plus en plus marqué à la fin de son règne. L’ordre du Saint-Esprit est bien, sous Louis XIV, un instrument au service du pouvoir et de l’absolutisme.
Pièces justificatives
Édition des inventaires des archives de l’ordre du Saint-Esprit conservées par le greffier et le grand trésorier de l’ordre. — Édition de l’inventaire du trésor et des ornements de l’ordre du Saint-Esprit. — Édition de mémoires relatifs à la réception de Louis XIV dans l’ordre du Saint-Esprit au lendemain de son sacre. – Édition d’un récit de la cérémonie des 31 décembre 1661, 1ᵉʳ et 2 janvier 1662. – Édition d’un récit de la cérémonie des 31 décembre 1688 et 1ᵉʳ janvier 1689.
Annexes
Tableaux et graphiques sur l’évolution du nombre de nominations selon les rois. – Tableaux des dates et lieux des cérémonies, des recettes et dépenses de l’ordre. – Listes des officiers du Saint-Esprit et des officiers du marc d’or. — Tableaux et graphiques sur les chevaliers et commandeurs ecclésiastiques. — Arbres généalogiques de quelques familles distinguées par le cordon bleu. — Tableau des gentilshommes ayant reçu un brevet pour être associés à l’ordre du Saint-Esprit à la prochaine cérémonie. — Carte des gouverneurs de places fortes décorés du collier de l’ordre du Saint-Esprit. — Tableau typologique des chevaliers et commandeurs ecclésiastiques au moment de leur nomination. — Fiches biographiques des chevaliers et commandeurs ecclésiastiques nommés par Louis XIV.
Illustrations
Plan du couvent des Grands-Augustins. — Photos d’ornements et d’une pièce du trésor de l’ordre du Saint-Esprit. — Dessins de colliers de l’ordre. — Gravures et tableaux de cérémonies de l’ordre. — Photo d’un manteau de l’ordre du Saint- Esprit. — Tableau de chevaliers et officiers représentés avec les insignes de l’ordre. — Gravures d’officiers du marc d’or représentés avec la croix de l’ordre du Saint-Esprit.