Sommaire
- Introduction
- Sources
- Première partie
- Les vedettes, un enjeu problématique de l’industrie cinématographique pendant l’occupation
- Chapitre premier
- Un paysage cinématographique et médiatique bouleversé
- Chapitre II
- L’engagement des vedettes : modalités, acteurs, représentations
- Chapitre III
- Le prix de l’interprétation
- Deuxième partie
- Des représentations en évolution. Prises de pouvoir, de l’ancienne à la nouvelle génération
- Chapitre premier
- Les vedettes, figures d’autorité ? Légitimité artistique et prépondérance économique
- Chapitre II
- De nouvelles étoiles : une volonté de renouvellement ?
- Troisième partie
- L’instrumentalisation d’une cinéphilie : vedettariat et politique, de l’armistice à la libération
- Chapitre premier
- Figures de l’absence, figures imposées
- Chapitre II
- Vedettes et propagande : un voyage en Allemagne emblématique
- Chapitre III
- Les vedettes cinématographiques à la libération
- Conclusion
- Pièces justificatives
- Annexes
Introduction
Alors que le cinéma français est profondément bouleversé à la suite de la défaite de juin 1940, les vedettes évoluent dans un contexte social, économique, culturel et politique inédit. La traditionnelle rivalité avec les stars hollywoodiennes est interrompue par la censure et laisse aux vedettes nationales la possibilité d’investir la majorité des représentations cinématographiques dans les médias pendant quatre années. Ce travail propose ainsi un parcours dans le cinéma en France pendant l’Occupation par l’étude du vedettariat, en abordant ce phénomène comme un système relevant de l’ensemble de la chaîne constitutive du cinéma, de la production à la réception, des acteurs économiques et artistiques au public. L’examen de sources nombreuses permet d’en dessiner les contours et de faire apparaître les figures les plus marquantes du cinéma de l’Occupation, telles que Danielle Darrieux, Edwige Feuillère, Fernandel ou Viviane Romance. L’analyse, au prisme de l’histoire culturelle et de l’histoire des médias, se fonde aussi sur les conceptions et les instrumentalisations politiques et idéologiques des vedettes de cinéma. Cela nous amène notamment à renouveler les perspectives concernant le voyage de propagande des artistes français en Allemagne de 1942, ainsi que la place de la société franco-allemande Continental dans l’industrie du film en France de 1940 à 1944.
Sources
Les sources pour une histoire du vedettariat sous l’Occupation sont foisonnantes et diverses, mais aussi lacunaires dans certains domaines. D’emblée, nous avons choisi de fonder notre étude sur une documentation à la typologie variée, allant des archives des institutions corporatives mises en place par le gouvernement de Vichy, conservées aux Archives nationales, aux fonds privés de sociétés et d’interprètes, conservés au département des Arts du spectacle de la Bibliothèque nationale de France, à la Cinémathèque française et à la Fondation Jérôme Seydoux-Pathé, en passant par l’étude approfondie de la presse illustrée, d’ouvrages imprimés, des films et de leur matériel publicitaire.
Première partie
Les vedettes, un enjeu problématique de l’industrie cinématographique pendant l’occupation
Chapitre premier
Un paysage cinématographique et médiatique bouleversé
De nouvelles structures d’encadrement dans les médias : cinéma, presse et actualités filmées. — Sous l’Occupation, de nouvelles structures d’encadrement des médias et du cinéma sont instituées. En effet, le gouvernement de Vichy met en place une politique corporatiste par laquelle il réorganise le secteur de l’industrie du film alors en proie à de grandes difficultés. Le Comité d’organisation de l’industrie cinématographique, ancêtre du CNC, contrôle alors l’ensemble de la production, tandis que les autorités d’Occupation établissent la surveillance et la censure des films et des activités. L’information dans son ensemble est soumise à ce contexte, de la presse généraliste à la presse cinématographique.
Aperçu des films, des acteurs et actrices du cinéma français (1940-1944). — Dans ces conditions, la période est propice au développement d’un cinéma d’évasion, qui privilégie les films de genre : le policier, le fantastique, les comédies de mœurs et les films en costumes connaissent d’importants succès, en grande partie grâce à leurs têtes d’affiche.
L’information cinématographique dans les médias écrits. — Les vedettes sont abondamment représentées dans les titres de la presse magazine, généraliste comme spécialisée qui apparaissent après l’été 1940. Ces titres véhiculent une image moralisatrice des artistes cinématographiques, qui n’est cependant pas exempte de contradictions, notamment en ce qui concerne la représentation des femmes.
Chapitre II
L’engagement des vedettes : modalités, acteurs, représentations
Avant signature : nouvelles institutions et nouvelles confrontations. — Dans ce climat économiquement tendu et instable, qui enjoint les investisseurs à se rassurer auprès des valeurs refuges que sont les acteurs et actrices populaires, ces derniers disposent d’une influence capitale sur les productions, que l’on peut analyser dans les textes des contrats qui nous sont parvenus, mais aussi dans les affiches, le matériel publicitaire et les génériques des films. Apparaît alors l’étendue de l’influence des différents « acteurs » des négociations : le producteur, l’agent artistique et le comédien ou la comédienne. Au cours de cette période troublée, les négociations prennent parfois une forme inédite, qui rend compte du bouleversement des valeurs et des habitudes dans la vie quotidienne et artistique. Au sein de ces rapports de force économiques, institutionnels et politiques, l’exception que constitue la Continental Films, société française à direction allemande, se détache particulièrement dans sa manière d’engager les vedettes les plus attractives du cinéma français.
Les négociations : acteurs et objets. — Par ailleurs, dans la mesure où les artistes ont acquis un statut incontournable, ils manifestent des exigences particulières, consistant à la fois en des avantages pour les périodes de tournage et en des représentations publicitaires.
Le nom et l’image. — Un des points les plus discutés dans ces négociations est évidemment la publicité. Si les producteurs engagent des vedettes afin d’assurer le succès commercial de leur film grâce à leur présence, les artistes deviennent de plus en plus exigeants quant à la publicité de leur nom. Cela donne lieu à des affiches, à des génériques et à d’autres supports de la culture filmique de l’époque, dont les déclinaisons définissent l’identité visuelle des créateurs comme des interprètes.
Chapitre III
Le prix de l’interprétation
Le Crédit national : un examinateur critique du coût des vedettes dans l’industrie cinématographique. — Outre l’étude des modalités d’engagement des vedettes, l’intervention d’un nouvel acteur, le Crédit national, permet de dresser un panorama global de leur coût pendant l’Occupation. La création du système d’avances à la production offre ainsi des données particulièrement précises et inédites pour réaliser une histoire économique des vedettes françaises à partir de 1941. Les membres de la commission d’attribution de ces avances émettent des avis décisifs sur la valeur marchande et les qualités d’interprétation des acteurs et actrices.
« Les vedettes ont toujours les dents longues ». — Alors que le pays connaît une situation économique difficile, marquée par la pénurie et le manque, la perception des vedettes de cinéma par le public et par la presse est entachée de suspicion : acteurs et actrices seraient les profiteurs d’une industrie pourtant en crise, crise qu’ils contribueraient à entretenir. On accuse les vedettes de cinéma de mettre en difficulté l’ensemble du système par leurs prétentions salariales et autres revendications. De telles attaques dans la presse ne sont pas neuves dans l’histoire du cinéma français, mais elles prennent ici appui sur la dénonciation, dans l’ensemble de la société, de ceux qui tirent profit de l’Occupation. Le salaire des vedettes asphyxierait l’ensemble du secteur professionnel, tout comme une partie des Français s’enrichit aux dépens des autres. Pourtant, si les vedettes n’hésitent pas, malgré les circonstances, à faire état de leurs exigences personnelles au moment des tournages, elles ne sont pas à l’origine de l’inflation des devis que connaît alors le cinéma français. Les sociétés de production indépendantes font le même constat que l’ensemble des médias ; elles sont pourtant à l’avant-poste pour observer le phénomène inverse : alors que les dépenses générales augmentent, le prix de l’interprétation stagne dans le budget des films. La rémunération des interprètes, indice de la hiérarchisation grandissante du vedettariat. — Déjà privilégiées dans l’avant-guerre, les vedettes conservent une situation avantageuse. Les évolutions mises en lumière attestent cependant l’évolution des carrières et la cristallisation des hauts salaires autour d’un petit groupe de stars, tandis que des artistes plus jeunes connaissent une augmentation de leur rémunération en accord avec une popularité croissante.
Deuxième partie
Des représentations en évolution. Prises de pouvoir, de l’ancienne à la nouvelle génération
Chapitre premier
Les vedettes, figures d’autorité ? Légitimité artistique et prépondérance économique
Portraits des vedettes en auteurs de films. — De manière inattendue, la période de l’Occupation voit le passage à la réalisation de quatre acteurs aux profils différents : Pierre Fresnay, Pierre Blanchar, René Lefèvre et Fernandel. Si les deux premiers, bénéficiant d’une légitimité obtenue au théâtre, passent un temps pour des « auteurs » reconnus et tournent auprès de firmes historiques, ce n’est pas le cas des deux derniers. René Lefèvre, comédien touche-à-tout, profite ainsi du contexte pour devenir réalisateur. De même pour Fernandel, à qui la Continental Films permet de mettre en scène son propre personnage : il ne recherche pas par cette démarche une légitimité artistique mais bénéficie de la complaisance de la firme envers un acteur rentable afin de s’émanciper de la tutelle des réalisateurs.
Des divas aux méthodes d’intervention différentes. — Il convient aussi de s’interroger sur la place des artistes féminines afin de questionner l’autorité des vedettes dans la production. Bien qu’aucune femme ne parvienne au statut de réalisatrice – poste exclusivement masculin pendant toute la période étudiée –, les actrices manifestent leur influence dans des domaines variés. Des études de cas sont ainsi consacrées à Viviane Romance et à Edwige Feuillère, en raison de leurs profils opposés. Viviane Romance est une actrice à la popularité exceptionnelle, qui cherche à s’impliquer fortement dans l’élaboration des films qu’elle interprète. Cette attitude suscite un dénigrement de la part de la critique et des producteurs, en raison de la faible légitimité artistique concédée à Viviane Romance. À rebours, l’implication d’Edwige Feuillère, comédienne populaire à l’image plus sérieuse, reçoit davantage d’attention de la part des autres collaborateurs des films. Les deux exemples reflètent cependant le fait que l’influence des femmes dans la production, alors qu’elles sont par excellence un facteur de réussite commerciale des films, est toujours perçue comme un empiétement sur des fonctions qui ne sont pas les leurs, contrairement à leurs collègues masculins.
Chapitre II
De nouvelles étoiles : une volonté de renouvellement ?
Les jeunes premiers et jeunes premières, nouvelles vedettes de la France occupée. — Sous l’Occupation, le cinéma français voit de nouveaux artistes prendre les places laissées vacantes par leurs aînés : le renouvellement des figures est important. Ces jeunes comédiens et comédiennes font fréquemment leurs débuts en interprétant des personnages marqués par une dimension de conflit.
Comment former des comédiens pour l’écran ? Le cas du CFCE. — Au même moment, les médias et les pouvoirs publics reconnaissent la nécessité de faire émerger une nouvelle génération d’acteurs en encourageant les vocations dans la presse et en créant une structure dédiée, qui ne survivra pas à l’après-guerre, le Centre de formation du comédien de l’écran. La création de ce centre atteste la prise de conscience de l’absence d’éducation spécifique au métier d’acteur de cinéma, mais le contexte de l’Occupation infléchit l’offre de formation : le cinéma d’avant 1937 ne fait pas partie des enseignements, tandis que des thématiques propres à la vision éducative du régime de Vichy sont particulièrement inculquées.
Le cinéma des années d’Occupation et la jeunesse : un premier rendez-vous manqué ? — Si les figures jeunes sont fortement valorisées dans le cinéma et dans les médias de la période de l’Occupation, le septième art semble toutefois avoir manqué sa rencontre avec les jeunes générations, malgré des liens méconnus avec le mouvement zazou, ici mis en évidence. L’absence de revendication d’une identité « jeune » ne permet pas, comme cela sera le cas avec les générations d’après guerre, aux spectateurs et spectatrices de s’identifier de manière globale aux nouveaux et nouvelles venu(e)s, tels qu’Odette Joyeux, Madeleine Sologne ou Jean Marais.
Troisième partie
L’instrumentalisation d’une cinéphilie : vedettariat et politique, de l’armistice à la libération
Chapitre premier
Figures de l’absence, figures imposées
« Lointain, si lointain Hollywood… ». — L’interdiction de distribution du cinéma américain prive le public des films et des stars hollywoodiennes, dont le manque se ressent dans les médias, dans les salles et dans le courrier des lecteurs des magazines. Le cinéma de l’Occupation, malgré son évitement apparent du politique, apparaît, lorsqu’on s’intéresse à sa programmation et aux vedettes mises en avant dans la presse, singulièrement marqué par le cinéma américain, ancien modèle et rival : cette influence n’est pas anodine en raison de la fermeture du marché.
Des exilés à Hollywood : Michèle Morgan et Jean Gabin. — L’exil de figures clés du cinéma français frappe aussi particulièrement les esprits : Michèle Morgan et Jean Gabin quittent la France pour les États-Unis alors que Remorques de Jean Grémillon (1941) sort sur les écrans. Après une période où le récit de leur départ est relaté de manière traditionnelle au public français, succède un bref temps d’échos négatifs, et enfin le silence complet sur leurs activités outre-Atlantique. D’inégales doublures : les vedettes de l’Occupant. — Le vide est alors « comblé » dans les salles par la distribution de films allemands. Le prisme du vedettariat permet de se pencher sur la réception des cinématographies de l’Axe par la France de l’Occupation, aspect particulièrement méconnu. Car les écrans ne sont pas exclusivement peuplés d’acteurs nationaux ; au contraire, le vedettariat est l’un des arguments majeurs des distributeurs de l’Axe auprès du public français. Les vedettes du cinéma allemand du Reich servent la politique commerciale de l’industrie du film du Reich, notamment à travers des films comme La Ville dorée (Veit Harlan, sorti en France en 1943), sans réussir à s’implanter durablement auprès du public, malgré une présence considérable en couverture des magazines.
Les vedettes de l’Italie fasciste vues par la France occupée (1940-1943). — Si les vedettes allemandes connaissent un rejet ou un oubli par la suite, les actrices italiennes découvertes alors par le public français furent appelées à conserver une place importante dans les mémoires cinématographiques, à l’image d’Alida Valli, qui joue dans des coproductions franco-italiennes après la guerre. Parallèlement, la promotion du cinéma italien de l’époque fasciste est bien plus discrète, mais plus efficace, bien qu’elle utilise des images stéréotypées de ce que doit être « l’actrice italienne », sans forcément correspondre à leur persona dans leur pays d’origine.
Chapitre II
Vedettes et propagande : un voyage en Allemagne emblématique
Objectifs du voyage et profil des participants. — L’instrumentalisation de la cinéphilie des vedettes que nous évoquons a évidemment trouvé son paroxysme dans l’organisation du voyage de propagande des vedettes françaises en Allemagne, en mars 1942. Il convient de porter la réflexion sur l’élaboration de ce voyage en amont : il répond en effet à la volonté d’instituer une politique de collaboration entre les deux plus grandes industries du film en Europe, tout en montrant les limites de cette collaboration puisqu’elle ne prit pas forme de manière plus aboutie à la suite de ce voyage. Néanmoins, il est intéressant de s’interroger sur le choix des participants de la délégation française, composée de Danielle Darrieux, Viviane Romance, René Dary, Junie Astor, Albert Préjean et Suzy Delair, trop souvent assimilés à des acteurs engagés auprès de la seule Continental Films. Si cela est vrai de Danielle Darrieux, Albert Préjean et Suzy Delair, en revanche, leurs trois partenaires ne tournent aucun film, ni avant, ni après le voyage pour cette société.
« Douze jours en Allemagne avec les artistes français ». — Restituer la complexité de cet événement est un point important du présent travail, qui en décrit les implications idéologiques, les protagonistes, agissants ou récalcitrants, comme Danielle Darrieux, et la manière dont cette opération fut utilisée dans les médias, écrits et audiovisuels. Le récit construit ainsi sa propre fable à destination du public français, en contradiction avec une partie des événements advenus sur place. En cela, le voyage est exemplaire de ce qu’est la propagande de l’époque : une distorsion des faits pour servir l’idéologie de l’Occupant. L’image frappante des vedettes du cinéma français les plus populaires à Berlin devait entériner la mainmise allemande sur la vie culturelle française, en faisant symboliquement main basse sur son industrie cinématographique.
Chapitre III
Les vedettes cinématographiques à la libération
À l’ombre des projecteurs, sous le feu des critiques. — La situation des vedettes à la Libération constitue l’aboutissement de l’utilisation de leur image à des fins idéologiques. Certaines paient la collusion entre leur persona et leur vie privée, à l’instar d’actrices comme Arletty et Corinne Luchaire, accusées d’avoir entretenu des relations intimes avec des officiers allemands. Le monde du vedettariat reproduit alors, à l’échelle d’une microsociété, les tensions qui traversent la société française, notamment la répression, judiciaire et symbolique, à l’égard des femmes. Les exemples que nous avons choisi de développer mettent également en avant différents types de collaboration. Sacha Guitry incarne ainsi une collaboration artistique qui s’accommode de la présence nazie, tandis que derrière les invectives radiophoniques antisémites de Robert Le Vigan plane l’ombre de l’écrivain Céline.
La reprise en main du cinéma français. — À la Libération, il faut donc « épurer » le cinéma français de ses traîtres et récompenser ses Résistants. Cela participe de la construction d’un mythe selon lequel le cinéma français n’aurait pas démérité pendant toute la durée de l’Occupation, en se refusant à devenir un cinéma de propagande, en trouvant son refuge dans la qualité et dans l’art. Cependant, le vedettariat français apparaît moins uni autour de figures principales aux lendemains de la guerre qu’il ne l’était à la fin des années 1930. L’absence et l’exil ont atténué, pour un temps, l’éclat d’étoiles comme Jean Gabin et Danielle Darrieux, qui étaient les vedettes préférées des Français avant la Seconde Guerre mondiale. À l’inverse, Michèle Morgan retrouve les écrans et une popularité importante, ainsi que le succès critique, dès La Symphonie pastorale de Jean Delannoy, en 1946.
Conclusion
Les vedettes de cinéma furent-elles les « étoiles » des années noires ? Alors qu’à la Libération, les artistes français regagnent une position similaire à celle qu’ils avaient avant la guerre au regard de la concurrence américaine, il convient de s’interroger sur l’impact de la mémoire de cette période sur le vedettariat français. L’éclat des stars hollywoodiennes, quand celles-ci refont surface dans les salles de cinéma françaises après la Libération, ne semble pas s’être terni malgré une éclipse forcée. L’absence de cinéma américain sur les écrans ne l’effaça pas pour autant des représentations des spectateurs et spectatrices. Son absence prolongée a peut-être au contraire agi en faveur d’une cristallisation de l’émerveillement et de la mythification de ces figures, toujours plus lointaines, auprès du public.
Cependant, une partie des jeunes Français découvrit une culture cinématographique dont les incarnations étaient presque exclusivement nationales, en même temps que des acteurs et des actrices plus jeunes débutaient leur carrière à l’écran tels Jean Marais, Madeleine Sologne et Micheline Presle. Tout au long de l’Occupation, les vedettes du cinéma constituèrent un objet essentiel des représentations médiatiques. De manière symbolique, la permanence d’« étoiles » du cinéma confirmait que la vie pouvait se poursuivre dans des conditions acceptables malgré les restrictions, malgré une situation politique instable, malgré les discriminations, voilées dans l’ensemble des représentations destinées au grand public. L’industrie cinématographique, qui avait vu les vedettes devenir un maillon essentiel de sa rentabilité financière dans les années 1930, a ainsi expérimenté leur nécessité pour sa survie au cours de la période de l’Occupation. L’étude de la place des médias dans la culture cinématographique de la période s’est révélée extrêmement féconde, permettant de distinguer des différences de fond entre les publications sous contrôle des autorités allemandes et celles sous contrôle vichyssois, qui s’estompent à partir de l’occupation de la zone sud à la fin de l’année 1942, y compris dans un domaine aussi spécialisé que le cinéma. Des moments précis scandent cette histoire des médias, qui recoupent l’histoire politique de la période : l’année 1942, qui marque un tournant de la guerre, apparaît également comme un tournant dans l’histoire des vedettes pendant l’Occupation. Cette année fut certainement la plus marquée par une politisation des enjeux : le départ de Jean Gabin, le voyage en Allemagne des vedettes françaises et l’impossibilité, pour les périodiques de la zone sud, d’ignorer le cinéma de l’Occupant et sa propagande, intensifièrent la tournure idéologique des représentations.
Pièces justificatives
Articles de la presse cinématographique. — Correspondance et contrat d’engagement de la Continental Films.
Annexes
Tableaux, schémas et études de la presse généraliste et de la presse cinématographique. — Tableaux des vedettes les plus représentées en couverture des magazines (nationalité, âge). — Tableaux et graphiques concernant la rémunération des vedettes. — Chronologies. — Liste des principaux artistes sanctionnés lors de l’Épuration. — Index des noms propres. — Index des films.